dimanche 2 septembre 2012

Critique : For Ellen : Une grande douleur toute en finesse (19/09/12)

For Ellen (en compétition à Deauville)
De Kim So Yong
Avec Paul Dano, Jon Heder, Shaylena Mandigo

Joby est un musicien qui cherche à percer depuis des années, tournant sur les routes et s'éloignant peu à peu de sa famille qu'il a eu très jeune. Il apprend que son divorce va être prononcé à condition qu'il renonce à ses droits sur sa fille Ellen, bout d'chou de 6 ans qu'il n'a jamais vu. Il comprend alors qu'il ne peut pas s'effacer de sa vie sans l'avoir vue au moins une fois. Son ex-femme lui laisse alors deux heures pour une rencontre unique.


Jamais sans ma fille ?

© Memento Films
Si la réalisatrice Kim So Young a déjà travaillé sur des histoires d'enfants laissés seuls (Treeless Mountain), elle s'attaque ici à la solitude d'un homme qui semble perdu dans ses rêves de gloire musicale et qui se retrouve bientôt privé de celle qu'il n'a pas eu la chance de connaître : sa fille. Une distance évidente s'est créée entre eux que Joby gère comme il peut. Sa tentative de rapprochement se fait avec une maladresse touchante, des impairs et des silences qui en disent long sur la fragilité de ce qu'il essaie de construire sans en avoir les clés dans le peu de temps qu'on lui laisse. La communication entre Joby et Ellen se fait dans un mutisme parfois douloureux, radouci par une naïveté enfantine désarmante. Finalement, on ne sait plus vraiment qui entre Joby et Ellen est l'enfant et l'adulte parfois...

© Memento Films
Paul Dano incarne ici un rôle qui n'était pas destiné à un homme de son âge au départ. C'est lui qui a suggéré à la réalisatrice de rajeunir Joby. Une bonne intuition d'acteur car sa jeunesse lui confère une fragilité supplémentaire. Malgré cette jeunesse, l'acteur donne à Joby une profondeur torturée qui lui va bien, allant trouver jusqu'au moindre détail physique la touche de l'artiste maudit. Et la petite Shaylena Mandigo est convaincante (en plus d'être craquante). Un véritable talent pour le cinéma.

© Memento Films
Contrairement à tous les autres films sur le divorce où les parents se déchirent, des enfants qui tournent mal, des doses pathos et des fontaines de larmes inondant l'écran à n'en plus finir, Kim So Yong a préféré la sobriété en gardant la puissance des non-dits, qu'elle nous laisse le soin de remplir. Elle se repose sur le jeu particulièrement fin de Paul Dano, qui montre une finesse d'interprétation remarquable sans tomber dans l'excès. Une puissance émotionnelle relevée par une caméra qui ne se détache pas de l'acteur pour un effet encore plus poignant. Et ce décor froid, glacé et emprisonnant de cette banlieue anonyme des Etats-Unis, reflète mine de rien les états d'âme de Joby.
© Memento Films
On peut regretter parfois l'excès de lenteur d'action dans certaines scènes, qui sous prétexte de mal aise rende l'ensemble un peu long. Mais celle-ci nous installe dans une espèce de cocon comme pour gagner notre confiance autant que Joby doit gagner celle de sa fille. Si la réalisatrice souhaitait devenir peintre étant plus jeune, le cinéma la remercie d'avoir changé de voie car elle nous livre un joli film d'une justesse rare et un final d'une grande beauté.



En résumé : Rien ne casse le lien parent-enfant et qu'il soit un bon père ou non, là n'est pas la question, l'amour paternelle emporte sur tout le reste... Un film qui ne laisse pas indifférent.

Messages les plus consultés