dimanche 11 septembre 2011

[Avis] Take Shelter : Entre angoisses et folie, Michael Shannon nous glace les sangs (7/12/11)


TAKE SHELTER
(Grand Prix de Deauville)
De Jeff Nichols
Avec Michael Shannon, Jessica Chastain, Tova Steawart, Shea Whigham...

Take Shelter est un thriller à l'ambiance particulière, qui l'air de rien, a l'art de vous prendre peu à peu aux tripes et ne vous lâche plus jusqu'à la fin. Angoissant et fascinant, on se sent tel une souris piégée par un tourbillon de pensées. Mais... cet homme est-il fou ou a-t-il des hallucinations prémonitoires ?

Curtis La Forche, un américain ouvrier dans les carrières, mène une vie plutôt paisible avec sa femme et sa fille devenue sourde. Une nuit, une terrifiante vision de tornade balayant tout sur son passage l'assaille dans un cauchemar. Ceux-ci se répète au fil des jours, le laissant dans un état d'angoisse insupportable au vu de leur réalisme terrifiant. Certains vont même lui donner des douleurs qui perdurent en lui de manière concrète. Chacun de ses cauchemars commencent par une violente tempête et Curtis devient ainsi obsédé par la menace d'une tornade. Des visions apocalyptiques envahissent peu à peu son esprit. Il devient irascible, secret, et étrange aux yeux de sa femme (Jessica Chastain) et son entourage, qui ne comprend pas son obsession de construire un abri-souterrain, quoiqu'il en coûte. Son comportement fragilise son couple, son travail, sa vie... Et rien ne peut l'en détourner.


Michael Shannon, habitué à des rôles d'homme perturbé et torturé depuis Bug (2006), tient là un personnage dont la vie intérieure est incroyablement riche à créer pour un acteur. Et le travail de Shannon est remarquable, tant il est crédible et sa souffrance extrêmement bien dosée. Le spectateur est à la fois terrorisé par certaines scènes et profondément troublé par la détresse de cet homme, qui préfère ne pas se livrer plutôt que de devoir quitter les siens à cause d'une éventuelle maladie mentale. Lui-même, ne peut dire si ses angoisses sont fondées sur un danger réel, ou si la schizophrénie paranoïaque (dont souffre aussi sa mère (Kathy Baker)), est en train de l’envahir. Il veut comprendre : il va voir sa mère, consulte un psy tout en s'enfonçant dans ses délires (égoïstes ?) qui le mènent jusqu'à l'endettement. Résultat : comme Curtis, on ne sait plus quoi penser, on hésite, on cherche des éléments pour se baser sur quelque chose de concret pour déterminer si cette folie est réelle ou feinte.


Le  réalisateur, comme l'acteur, ont un lien personnel particulier  avec cette histoire. Le premier a écrit le scénario lors d’une phase heureuse de sa vie - vie professionnelle épanouissante et mariage tout neuf. Puis  il a commencé à éprouver des angoisses vis-à-vis du monde en général, qu'il voyait comme menaçant. Analysant lui-même ce sentiment très désagréable, par la réalité d’une situation économique inquiétante, mais aussi par le fait que pour la première fois de sa vie, il avait quelque chose à perdre, il devait lutter contre ses démons intérieurs.
Le second venait d'être père au moment du tournage et a expliqué à TvCinephages qu'il "voulait incarner quelqu'un et un état d'esprit que chacun pouvait comprendre ou déjà vécu. Je ne voulais pas explorer la maladie mentale en elle-même. Mais explorer l'anxiété qu'un père de famille peut ressentir à l'idée d'avoir la responsabilité d'une famille et de la protéger". Michael Shannon a parfaitement su adapter et transfigurer cette expérience personnelle en un personnage cohérent et abouti.

Le film fascine et terrifie. Les scènes de cauchemars, dont la photo et la réalisation sont très réussies, ont un réel pouvoir sur le spectateur. Michael Shannon en donne sa version : "Quand on a tourné les scènes de rêves, il n'y avait aucun effet spécial. Je jouais face à... quasi rien. Dans mon imagination, ils me semblaient plutôt gentillets et pas trop stressants. Mais quand on voit le résultat après le montage et les effets spéciaux, les rêves sont très provocateurs et effrayants. Ce qui pouvait amener à pense que Curtis est vraiment fou."

L’angle plus dramatique du film tourne autour de l’aspect psychologique, la menace de maladie mentale. Curtis craint tout autant la possibilité d’une faille psychologique que les terribles visions qui l’assaillent. Et c'est pour cela qu'il préfère cacher ce qu'il vit pour ne pas être pris pour un dingue et devoir s'éloigner en institution spécialisée comme sa mère. Sa détresse est notamment liée à la manière dont les autres, la communauté, pourraient percevoir la malade mentale. L'incompréhension de son entourage, donne lieu à une scène de repas de quartier extrêmement puissante, dirigée vers un dont le point culminant est émotionnellement poignant.

Curtis est-il fou ou clairvoyant ? Jeff Nichols donne sa vision des choses à la fin du film... mais libre à vous de ne pas le croire ou d'imaginer une autre explication.

En résumé : voilà un superbe acteur qu'on aura hâte de retrouver entre autre dans le nouveau Superman en méchant Zod, aux côtés d'Henry Cavill.


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