vendredi 6 janvier 2012

Critique : La Colline aux coquelicots : la magie Miyazaki opère... en demi-teinte (11/01/12)



Le studio Ghibli est pour la plupart des cinéphiles synonyme de rêves et de voyages dans des pays qui n'existent pas. Goro Miyazaki, fils d'Hayao Miyazaki, génial créateur de Princesse Mononoké, du Voyage de Chihiro, de Mon Voisin Totoro ou encore du Château ambulant, réalise avec La Colline aux coquelicots son second long-métrage après le décevant Contes de Terremer. De l'aveu même de son père, Goro Miyazaki n'est pas encore prêt pour diriger la maison Ghibli seul car "un film n'est pas qu'une foule de sentiments". Il est vrai qu'à part avec Le Tombeau des lucioles, le changement de réalisateur ne va pas de pair avec la réussite. Et pourtant ni les dessins, ni l'équipe  changent. Contrairement aux personnages des films de Miyazaki père qui grandissent souvent seuls faute de parents, le réalisateur de La Colline... a été épaulé par son père (à l'écriture). Au vu du résultat, je me demande encore en quoi il a aidé sa progéniture ! Pas facile de reprendre les rennes paternelles...


De quoi s'agit-il ?


Avec La Colline aux coquelicots, point de promenade bucolique dans des champs de fleurs rouges et éphémères, où d'étranges animaux imaginaires côtoient les hommes. C'est l'histoire d'Umi, une lycéenne orpheline de père, qui vit au sommet d'une colline surplombant la mer à Yokohama, dans les années 1960. Elle tombe secrètement amoureuse de Shun, lycéen comme elle, avec qui elle partage la passion du journalisme. Ensemble, ils vont tout faire pour sauvegarder "Le Quartier Latin", une vieille bâtisse où se réunissent les passionnés de philosophie, de poésie, de sciences. Mais leur relation va prendre une tournure inattendue lorsqu'ils découvrent un secret autour de leur naissance...




"On dirait un mauvais mélodrame"


C'est Shun qui le dit lui-même ! Si le studio Ghibli offre généralement la garantie d'un moment de poésie et de qualité incontestée, avec La Colline aux Coquelicots il ne délivre aucune surprise. Cette oeuvre souffre des mêmes défauts déjà présents dans le précédent film du réalisateur : une lenteur souvent pesante et un total manque de risque. Qu'elle soit ancrée dans un monde réel n'est pas un argument suffisant (Le Tombeau des lucioles l'était aussi...). L'histoire est tout simplement sans intérêt et d'une platitude affligeante. On nous plonge dans une histoire d'amour (prévisible) qui finalement ne dégage aucun sentiments --- et la pudibonderie et la retenue des Japonais n'y sont pas pour grand chose cette fois-ci. Pas d'envolées lyriques, ni même d'évolution dans la technique des dessins. Les puristes de l'animation seront contents de voir que des studios résistent au tout numérique, à la 3D, et conservent la tradition du dessin au crayon (moi la première...). Mais les crayonnés de Ghibli n'ont pas pris un coup de jeune depuis la sortie de Nausicaä en... 1984 ! Décevant quand on voit ce qu'est capable de faire la concurrence, comme Mad House.



Et pourtant, cela n'empêche pas La Colline aux coquelicots de regorger de riches détails et de clins d'oeil (le nom du bateau pris par les héros se nomme comme le studio), d'un soin particulier donné aux couleurs, parfois pastel. L'ambiance surannée du Japon des années 1960, coincée entre tradition et modernité, est pour une fois chez Ghibli ancré dans une période historique en pleine évolution : un pays qui s'industrialise après la guerre de Corée et une capitale qui attend impatiemment ses premiers Jeux olympiques d'été. Cet enthousiasme se retrouve dans cette jeunesse respectueuse des valeurs ancestrales mais résolument tournée vers l'avenir. Cette "révolution" sociale est symbolisée par l'envie des héros de sauver cet endroit qu'ils aiment tant : "Le Quartier Latin". Seul véritable moment fort du film, la renaissance de ce lieu culturel d'exception fait appel à l'imagerie du coquelicot, seule fleur capable de pousser sur les champs de bataille. Une fois de plus, on retrouve la préservation de la nature et du passé, un thème cher au père Miyazaki...


Même si l'histoire est des plus banales, sans action forte, ni rebondissement, on peut tout de même avouer qu'il émane de ce film une tendresse particulière. Sur fond de souvenirs d'une tragédie humaine qu'a été la guerre de Corée, l'amour pudique des deux jeunes gens titillera les plus romantiques d'entre nous.


En résumé : La Colline aux coquelicots n'est pas un chef d'œuvre mais un conte qui nous prend par la main, tout en douceur, dans laquelle on aime s'oublier (et dont la douce musique nous poursuit longtemps).


 

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