vendredi 6 janvier 2012

Critique : Intruders : L'enfance face à ses peurs (11/01/12)

INTRUDERS
De Juan Carlos Fresnadillo
Avec Clive Owen, Carice van Houten, Daniel Brühl, Izan Corchero, Pilar de Ayala, Ella Purcell...

Encore une histoire de fantôme ? De boogeyman ? D'envahisseurs de foyer comme le cinéma espagnol en produit à la chaîne dernièrement (Malveillance, Kidnappés) ? Un peu de tout cela mais avec ses particularités. Intruders nous replonge dans nos peurs enfantines, qu'on matérialisait par de mystérieux individus souvent monstrueux, que l'on pensait cachés dans le placard ou sous notre lit. Véritable légende urbaine, le boogeyman au cinéma représente un mauvais rêve, une peur nocturne en chair et en os qu'il faut affronter pour le voir disparaître. Juan Carlos Fresnadillo (qui a jeté l'éponge pour le remake de The Crow tout comme Bradley Cooper) est un habitué du thème de l'enfant harcelé la nuit par des créatures de l'ombre (Intacto, 28 semaines plus tard). Dans ce nouveau long-métrage, il décortique avec brio la mécanique de cette légende urbaine. Entre violente réalité et terrifiante imagination, Intruders colle parfois la chair de poule...

En Espagne, Juan (Izan Corchero) est un jeune garçon qui aime raconter à sa mère Luisa (Pilar de Ayala) des histoires qui font peur avant d'aller dormir. Un soir, il invente celle d'une créature sans visage qui se cache dans l'ombre en attendant de pouvoir voler le la bouille d'un enfant afin que les gens puisse l'aimer. C'est alors qu'une nuit, ce monstre se matérialise et entre dans la chambre de Juan. À quelques milliers de kilomètres de là en Angleterre, la même figure spectrale commence à hanter la chambre de Mia (Ella Purcell), 12 ans, après que celle-ci a découvert un bout de papier sur lequel l'histoire de "Sans-Visage" était écrite. Son père John (Clive Owen) essaie de la rassurer en lui répétant que les monstres n'existent pas et qu'ils ne peuvent pas faire mal aux enfants "pour de vrai". Mais lui-même finit par ne plus se défaire de cette image épouvantable qui s'est insidieusement frayé un chemin dans son esprit. Mais que veut cette créature ? Pourquoi s'attaque-t-il aux enfants ? Est-il le pur produit de leur imagination ou révèle-t-il des peurs bien ancrées dans le réel ?

Il faut le nommer pour qu'il existe et ne plus y croire pour qu'il disparaisse

© UPI
Comme Freddy Kruger ou encore Candyman, "Sans-Visage" agit sur le subconscient de ses victimes et crée des cauchemars débordant sur la réalité (jusqu'au sang), possédant et hantant leur âme. Fresnadillo joue subtilement de l'ambiguité entre imagination et réalité, posant sa créature nocturne comme une figure psychanalytique : il essaie de démontrer comment un cauchemar envahit l'esprit, et tente d'apporter des clés quant à savoir d'où il vient et comment s'en débarrasser. "Sans-Visage" matérialise alors un trauma d'enfance, qui devient contagieux jusqu'à convaincre d'autres esprits. Les monstres n'existent et continuent d'exister que lorsque quelqu'un y croit fermement. Le récit trouvée par Mia devient réalité par la seule force de sa conviction profonde (et de celle de son père). Fresnadillo compte alors sur la puissance narrative et esthétique de cette histoire pour nous contaminer à notre tour. Car son propos s'applique à lui-même en tant que réalisateur : pour convaincre, il faut croire à ce qu'on raconte et maîtriser la narration. Et il y réussit plutôt bien ! On finit par gober cette histoire rocambolesque... et le film revient sur l'origine du mal au moment où on s'y attend le moins.

Le propos d'Intruders n'est pas nouveau mais son traitement nourrit le suspense et l'action grâce à une oppressante mise en scène de nuit. Le montage en parallèle des histoires de ces deux enfants (dont le lien est tissé petit à petit jusqu'à ce qu'ils se rejoignent) aboutit à un final plus ou moins inattendu (à la Sixième Sens), ancré dans une réalité finalement banale, qui éloigne toute théorie fantastique. Dommage ? Tout ça pour ça finirez-vous peut-être par dire ? Sans doute...
Qu'on se le dise : Intruders n'est pas un film d'horreur ou d'épouvante. À défaut de sursauter toutes les 10 minutes, on se laisse prendre par la lenteur suggestive (même si les scènes se répètent souvent entre les deux gamins...) et les effets de montages efficaces (faute de scènes choc). En témoignent les apparitions du méchant (numérisé) sous sa capuche, qui ressemble étrangement à la Mort dans Fantômes contre fantômes. Certains effets visuels rappellent fortement Le Labyrinthe de Pan de G. del Toro, comme cette scène où la chambre de Mia devient comme vivante, prisonnière des branches rampantes et d'un liquide noirâtre et gluant. Une iconographie (trop ?) appuyée et forte pour montrer l'invasion du cauchemar dans l'esprit de sa victime. De quoi donner quelques moments de tension à faire froid dans le dos... et nous ramener à nos propres peurs.

En résumé : Intruders est un film hybride qui s'inspire de genres différents s'en s'apparenter à aucun d'eux au final. Une tentative de recette qui finit en amalgame entre fantastique et rationnel pas forcément digeste. Son atmosphère intense joue sur le psychologique et tient aussi sur la conviction réelle des acteurs, jeunes comme adultes. Un regret cependant : la sous-exploitation de Carice Van Houten (maman de Mia) et Daniel Brühl (le prêtre).


(ATTENTION : Comme souvent, la bande-annonce en montre beaucoup trop...)

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