dimanche 14 avril 2013

Critique : Les Âmes Vagabondes : Schizophrénie et amours contrariées au menu (17/04/13)



LES ÂMES VAGABONDES

De Andrew Niccol
Avec Saoirse Ronan, Max Irons, Jake Abel, Diane Kruger, William Hurt...


Une fois n'est pas coutume, la planète va devoir faire face à une invasion extra-terrestre (sic). Mais cette fois-ci, en plus de conquérir du terrain en envahissant les planètes les unes après les autres, les "méchants aliens" envahissent le corps des humains. Confortablement installés en tant que "nouvelle âme" chez leurs hôtes, ils prennent petit à petit le contrôle de toute l'humanité pour en faire un monde parfait et pacifique. Bien évidemment, une jeune fille refuse de se laisser faire. Répondant au doux nom de Melanie Stryder, elle fait partie du dernier bastion d'hommes 100% humains qui font tout pour ne pas se laisser "contaminer" et voir leur esprit "disparaître"au profit des âmes envahissantes. Sa méthode ? Elle se raccroche de toutes ses forces à l'image de l'homme qu'elle aime et de celle de son petit frère en poussant son âme parasite (plus tard appelée Gaby) à les rechercher. Bien évidemment, rien ne va se passer comme prévu : les deux "jeunes femmes" vont être poursuivie par une "traqueuse" à la recherche d'informations sur le groupe d'hommes restants. Toutes deux fugitives, elles vont rejoindre le noyau dur de la résistance, se lier d'amitié mais... ne tomberont pas amoureuses du même homme. Un brin schizophrène, vous dites ? 


© Metropolitan FilmExportSi Stephenie Meyer (auteure du roman à l'origine de ce film) est connue pour avoir écrit la sirupeuse saga Twilight -- et ses fameux vampires qui brillent au Soleil -- elle récidive ici avec un roman plus adulte. Enfin, adulescent, dirons-nous. Il semble tout de même qu'elle n'est pas eu envie de se défaire d'une recette qui l'a rendue multi-millionnaire : un triangle amoureux inter-espèce (devenu "carré" dans cette nouvelle œuvre) dont les amours sont contrariées par un ennemi, qu'il va devoir affronter pour assurer sa survie. Rien de bien révolutionnaire en somme, si ce n'est l'invasion de l'esprit de l'héroïne, qui se transforme en bataille mentale permanente avec elle-même, façon Dr Jekyll et Mr Hyde. Bien trouvé, surtout quand il s'agit de décortiquer les émotions adolescentes souvent contradictoires. 
Là où Twilight pêchait dans les atermoiements sans fin de Bella, marqués par de longs regards langoureux échangés avec Edward, la voix "intérieure" de Mélanie (voix-off de l'actrice) permet d'entendre l'esprit rebelle se faire entendre alors qu'elle est coincé dans un corps qui n'est pas le sien. Belle image du mal-être adolescent... mais concrètement, Mélanie/Gaby est un être totalement schizo ! Et pour le retranscrire, on dit "merci" à la magie du son et de l'image. Car le cinéma permet de retranscrire avec fluidité, ce que sa version papier alourdit en devenant parfois incompréhensible, car on finit par ne plus savoir qui s'adresse à l'autre. 

"Est-ce que Mélanie est toujours à l'intérieur ?"

© Concorde Filmverleih GmbHLe réalisateur Andrew Niccol a pris le parti de rester fidèle au roman, tout en réadaptant certaines scènes (probablement pour des raisons techniques) et en en supprimant d'autres (pas facile de résumer 700 pages en 2h...). Sans vouloir faire une étude comparée minutieuse, il est évident que le cinéaste a allégé le contenu en terme de violence physique et morale pour être plus grand public. Car si page après page, l'héroïne est confrontée à un monde humain fait de violence crue (Gaby est insultée et se prend de méchantes baignes pendant les 400 premières pages, et est victime d'une tentative de meurtre terrible), où le mépris vire au dégoût (Gaby est détestée par les résistants, et même par l'homme qu'elle aime la majeure partie du livre), le film l'effleure et préfère se concentrer sur la romance vécue (physiquement) à quatre. Serait-ce une façon de partager des pulsions refoulées ou un fantasme à demi-inavoué de l'auteure, qui a confessé adorer la saga Fifty Shades of Grey ? Pardon pour la digression...

© Metropolitan FilmExport
On sent que Niccol a voulu se concentrer sur "l'humain" et ses émotions plutôt que sur l'aspect science fiction. Malheureusement, comme dans le livre, il ne se passe pas grand chose et les enjeux sont quasi-inexistants. Mis à part quelques scènes dites d'action pour meubler (le passage éclair à la pharmacie, le raid pour trouver de la nourriture transformé en course-poursuite avec la "traqueuse"...), on reste dans la grotte avec les résistants et on attend désespérément que ça passe. Et ce n'est pas les incursions répétées de la traqueuse (jouée par Diane Kruger) aux méthodes un tantinet bourrines (bravo le pacifisme défendu par les aliens ! Paie ta cohérence !) qui change vraiment la donne. N'apportant rien d'innovant par rapport au matériaux initial, Andrew Niccol aurait-il succomber aux sirènes des producteurs en jouant le yes-man de base ? Repose en paix cher réalisateur...

© Metropolitan FilmExportEsthétiquement, le film tient ses promesses. Les deux "mondes" sont bien délimités avec des paysages désertiques à couper le souffle, et des bureaux et autres constructions "alien"au style épuré (qui ne sont pas sans rappeler ceux de Bienvenue à Gattaca). Petit bémol pour les grottes, qui ne font pas plus illusion qu'un sapin de Noël en plastique. Mais on finit par l'accepter, comme les lentilles luminescentes des "âmes" et les grosses cylindrées chromées des traqueurs... un poil too much (à mon goût) !

© Metropolitan FilmExportMalgré une histoire incohérente au dénouement abracadabrantesque et une romance qui fait sourire (encore ces plans avec les amoureux au coucher du soleil, ou qui s'embrassent sous la pluie...), on finit par adhérer... mollement. Tout d'abord grâce au jeu de Saoirse Ronan (Hanna, Lovely Bones), irréprochable dans son rôle. Max Irons (découvert dans le navrant Chaperon Rouge) et Jake Abel (qu'on reverra sous peu dans Percy Jackson - la mer des monstres) en amoureux transis n'ont pas un charisme de folie et doivent compter sur leur (jolis ?) minois pour séduire.

En résumé : Qui contrôle l'esprit d'Andrew Niccol pour qu'il soit tombé bien bas ? Ces Âmes Vagabondes manquent de chaleur et d'enjeux, et finissent en histoire d'amour banale qui s'étire sur deux longues heures. J'avais espéré à l'annonce du réalisateur, me voilà déçue. Et dire qu'une suite est déjà en chantier !

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