samedi 13 avril 2013

[Critique] Trance : Quand Danny Boyle se prend pour un trafiquant de mémoire (08/05/13)


TRANCE

De Danny Boyle
Avec James McAvoy, Rosario Dawson, Vincent Cassel…

Sortie le 8 mai 2013

Simon excelle dans son boulot : commissaire-priseur expert dans les œuvres d’art. Mais un jour, il dérape. Il se fait le complice de Franck, le chef d'un gang désireux de voler un tableau de Goya, dont la valeur s'élève à plusieurs millions de dollars. Le jour du hold-up, Simon reçoit un violent coup sur la tête dans le feu de l'action et tombe dans un rapide coma. À son réveil, il est remercié par le plus grand nombre pou avoir essayé de sauver la toile, mais ses partenaires s'impatientent : Simon n’a plus aucun souvenir de l’endroit où il a caché le tableau. Ni les menaces ni la torture ne semble ébranler sa mémoire. Franck engage alors une spécialiste de l’hypnose pour tenter de retrouver la peinture dans les tréfonds de l’esprit de Simon… 



"Aucune œuvre ne vaut la vie d'un homme."

© Pathé Distribution
Danny Boyle est de ces réalisateurs qui n'ont de cesse de nous étonner en prenant des directions aussi diverses que surprenantes. Il nous a fait chavirer le cœur avec Slumdog Millionnaire, et les tripes avec 127 heures, pour lesquels il a remporté deux Oscars. 
Avec Trance, il vire à nouveau de bord en réadaptant un téléfilm peu connu, mélangeant les genres et prenant des directions souvent surprenantes. Trance est assurément original, audacieux et inclassable. On se laisse porter par un début plutôt classique vers une narration beaucoup plus tordue, tant dans la forme que de le récit lui-même. La mise en scène est comme d'habitude très visuelle et excentrique. Mais ce n'est jamais en vain, elle sert l'histoire. Tout n'est pas qu'une question de style, il y a toujours un sens à ce qu'il fait.


© Fox Deutschland
© Pathé Distribution
Boyle se joue des nombreux retournements de situations pour perdre le spectateur, qui finit par ne plus pouvoir se fier à son jugement. Car on ne sait plus qui sont vraiment les bons et les méchants. On se fait avoir dès lors qu'on les juge et leur colle une étiquette. Car on réalise soudain que la situation évolue en permanence n'est pas exactement telle qu'on la croyait. Par exemple, Simon (excellent McAvoy, à qui Boyle a laissé son délicieux accent écossais) est le personnage le plus complexe. Il a une personnalité trouble : son passé de joueur compulsif cadre mal avec son métier de commissaire-priseur respectable. Son vice l'entraîne dans une pente infernale et destructrice. Franck, criminel plutôt  conventionnel, est finalement plus humain qu'il n'y paraît. On développe même une certaine sympathie pour lui.

© Pathé Distribution
Traiter de l'hypnose au le cinéma donne une capacité infinie à illustrer l'inconscient. Boyle explore le thème des comportements humains poussés à l'extrême. Ils font preuve d'une violence et d'un désir incroyables mus par une cupidité sans fond, mais aussi d'un instinct de survie sans faille.
Fond et formes se rejoignent dans des scènes de souvenirs/reconstitution, où la frontière entre la réalité et le subconscient n'est plus si évidente. En certains points, on pourrait penser que Trance a un certain lien de parenté avec Inception. Ce qui est plutôt réjouissant ! Le film ne cesse de surprendre. Dès que l'on pense avoir une longueur d'avance sur le déroulement des événements, le scénario se permet twist sur twist. Révélations et retournements de situation s'enchaînent, et interviennent même très tôt dans le scénario. Ces fausses pistes et incertitudes permettent de deviner que l'histoire que souhaite raconter le film est ailleurs. 

© Pathé Distribution
Malheureusement, Boyle tombe dans l'un de ses principaux défauts : cette tendance à partir dans tous les sens dans la 3e partie du film. Le déroulement de l'histoire n'est pas illogique pour autant, mais l'accumulation de twists et de changements de point de vue sur la fin -- avec l'inévitable séance d'explications indispensables mais lourdingues --  donne un final maladroit qui laisse perplexe, voire dans un flou qui demande une sérieuse réflexion.




En résumé : Dany Boyle tente de réinventer le thriller noir avec une dimension émotionnelle, cherchant à pousser les limiter aussi loin que possible. Mais ne les aurait-il pas pousser un peu trop loin au risque de se perdre, et de perdre ses spectateurs ?


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