samedi 13 avril 2013

[Critique] Stoker : Laissez-vous manipuler par l'impensable (01/05/13)

© Twentieth Century Fox France
STOKER

De Park-Chan Wook
Avec Mia Wasikowska, Matthew Goode, Nicole Kidman...

Sortie le 1 mai 2013

India, tout juste 18 ans, est une adolescente hors du commun et un temps soit peu perturbée. Après la mort de son père dans un mystérieux accident de voiture, elle voit débarquer son oncle Charlie, qu'elle n'a jamais vu et dont elle ignorait jusqu'à l'existence. L'homme, énigmatique au charme ambigü, vient s'installer avec elle et sa mère, veuve inconsolable. Rapidement, la jeune fille suspecte son oncle de ne pas être celui qu'il prétend être, ou du moins, que ses motivations sont autres que celle de vouloir l'aider. Entre méfiance et attirance, India a du mal à se faire une idée...




Méfie-toi de celui qui te séduit

© Fox DeutschlandStoker est un film étonnant à plus d'un titre. Tout d'abord, il a pour réalisateur l'un des plus grands maîtres du cinéma coréen Park Chan-Wook, déjà à la barre de Old Boy et de Thirst, ceci est mon sang (consacrés à Cannes Grand Prix du Jury en 2003 et 2009). Depuis plus de 20 ans, "le maître" fascine avec des œuvres originales, innovantes, au rythme très intense qui mélangent lyrisme visuel et éclats de violence percutante, sans oublier d'une puissance émotionnelle rare. Puis, Stoker a un scénariste des plus inattendus puisqu'il s'agit de Wentworth Miller, plus connu pour être le héros tatoué de Prison Break. Présenté au producteur sous le pseudo de Ted Foulke, Miller signe ici son premier scénario, élaboré en huit ans. Après avoir été placé sur la "Liste Noire"des meilleurs scénarios en quête de producteur, Stoker en sort grandit et magnifié.

© Fox Deutschland
Park Chan-Wook nous embarque dans l'univers inquiétant d'une famille pas comme les autres, où tous semblent purs, allant jusqu'au bout de leurs émotions, même s'ils n'en aperçoivent pas pleinement les conséquences. India (Mia Wasikowska) et Charlie (Matthew Goode) voient ce que le commun des mortels ne perçoit pas, obsédés par leur instinct de conservation : gare à ceux qui se mettent en travers de leur chemin. Ils feront tout pour satisfaire leurs besoins et se protéger. Matthew Goode (A Single Man, Watchmen - Les Gardiens) a un charisme ravageur. Avec son œil qui frise et son élégante délicatesse, on lui donnerait le bon Dieu sans confession. Mentor d'India, il rend beau, sympathique et attachant le manipulateur maléfique qu'il incarne en réalité. Déroutant ! Quant à Mia Wasikowska, beauté délicate, à la sérénité grave et mature (déjà remarquée dans Jane Eyre), elle incarne avec subtilité cette jeune fille passive et plongée dans l'introspection. 

© Twentieth Century Fox FranceThriller noir, percutant et dérangeant, le récit de Stoker aurait pu tomber à plat s'il avait été confié à d'autres mains que celles de Park Chan-Wook. Grand admirateur de la filmographie de Hitchcock (Sueurs Froides et L'ombre d'un doute en tête), le cinéaste n'hésite pas à en reprendre l'atmosphère oppressante, en y ajoutant sa patte : sa vision élégante de la cruauté humaine, de la destruction et de la vengeance dans un style éclatant, voire flamboyant. Les métaphores visuelles s'enchaînent (les chaussures d'enfant achetées chaque année par Charlie deviennent des escarpins à la fin du film, l'araignée grimpant sur la jambe d'India lorsqu'elle joue du piano et redescendant lors du dénouement, etc.) et l'histoire captive, choque et fascine jusqu'à sa conclusion fatale. Le titre du film est lui-même une métaphore du Mal puisqu'il se réfère au Dracula de Bram Stoker, un roman révolutionnaire dans lequel il était plutôt question d'un opportuniste exerçant son emprise sur des innocents que d'un conte fantastique à propos de vampires.

© Twentieth Century Fox France
Peu bavard, Stoker doit sa réussite a un rythme singulier et glaçant, où il règne une tension psychologique quasi suffocante. Repliée sur soi, cette famille fonctionne telle une cocotte-minute sous pression, où l'atmosphère est sur le point de tout faire exploser. Park Chan-Wook donne suffisamment d'ambiguïté à ses personnages et à cette histoire d'amour hors des conventions, sans trop insister sur les signes vampiriques insinués par le titre, pour nous scotcher. Et que dire de sa mise en scène fluide et raffinée, fétichiste et hyper sexualisée tout en sous-entendus ou carrément assumée ! Brillante (parfois un peu too much) et délicieusement manipulatrice. On en redemande !

En résumé : Tous les ingrédients sont là pour toucher, effrayer et provoquer le spectateur. Une histoire d'amour à la fois magnifique et tordue. Un véritable COUP DE CŒUR artistique, bien au-delà de mon penchant pour les vampires né avec mes études littéraires.


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