samedi 4 août 2012

Critique : Abraham Lincoln : chasseur de vampires : et Dieu créa... le grand n'importe quoi (08/08/12)

ABRAHAM LINCOLN : CHASSEUR DE VAMPIRES

De Timur Bekmambetov
Avec Benjamin Walker, Dominic Cooper, Anthony Mackie, Mary Elizabeth Winstead...

Comme beaucoup de cinéphiles (et de fans de littérature vampirique), j'attendais avec impatience la sortie d'Abraham Lincoln : chasseur de vampires. Quelques doutes ont tout de même été soulevés quant à la réussite de la dernière création de Timur Bekmambetov (produite par Tim Burton) lors de la diffusion des premières images. Et après l'avoir vu, mes craintes se sont avérées exactes, voire amplifiées.

Témoin du meurtre de sa mère étant enfant par un esclavagiste peu scrupuleux, Abraham Lincoln découvre l'existence des vampires parmi les hommes en voulant le tuer. Il est sauvé de justesse par Henry Sturgess, qui lui apprend que les suceurs de sang ont envahi le pays depuis des décennies. C'est alors que pour venger la mort de sa mère, Abraham s'entraîne aux côtés d'Henry qui combat ces "monstres" depuis toujours, pour devenir un redoutable chasseur de vampires. C'est alors qu'il s'engage sur deux fronts : celui de la bataille et celui de la politique. Élu 16e président des Etats-Unis en 1860, il lutte avec ardeur contre l'esclavagisme tout en repoussant la menace vampirique incarnée par le puissant Adam, qui menace d'anéantir le peuple américain en pleine Guerre de Sécession.

Assis entre deux fauteuils

© Twentieth Century Fox
Si le réalisateur russe renoue avec les vampires (omniprésents et très originaux dans Nightwatch et Daywatch), c'est pour adapter le roman éponyme de Seth Grahame-Greene, lequel est un mélange particulier entre l'Histoire avec un grand H et le fantastique horrifique. Le film développe une intrigue complètement dingue intégrant néanmoins un certain nombre d'évènements historiques réels.



© Twentieth Century Fox
Mais ce qui aurait dû être un film de série B fier descendant des années 60 tels que Billy the Kid vs Dracula ou Jesse James Meets Frankenstein's daughter et s'assumant comme tel, le résultat s'est transformé en film à gros budget (70 millions de dollars tout de même !) qui se prend au sérieux. Si les frasques historico-fantastiques fonctionnent bien sur papier, elles sont plus délicates à transcrire sur pellicule, surtout si on oublie les clins d'oeil, l'ironie et les références humoristiques dans le scénario. Et pourtant, Abraham Lincoln : chasseur de vampires nous fait souvent rire... contre sa volonté. On rit sans trop savoir si c'est le but recherché car certaines scènes nous laissent choisir... face à l’ambiguïté. La faute à la direction d'acteurs ? Sûrement...

© Twentieth Century Fox
Timur Bekmambetov est un touche-à-tout en matière de visuels (on se souvient de son premier long animé, Numéro 9, bluffant). Il est plus à l'aise en matière d'action que dans les scènes plus intimistes. La mise en scène appuyée, toujours en mouvement, jamais subtile, un montage rapide de situations caricaturales ne rendent pas forcément le meilleur. Si ses scènes de bagarres chorégraphiées à grand renfort de ralentis, d'effets en tout genre façon Matrix rendent plutôt bien (on se passerait bien des giclées de sang minutieusement éparpillées), ses scènes "spectaculaires" souffrent d'un melting-pot d'effets spéciaux rendant l'ensemble bordélique et parfois illisible (et les lunettes 3D n'arrangent rien, assombrissant l'image, comme d'habitude). Gros mal de tête en perspective en particulier sur deux scènes : la poursuite du tueur de la mère de Lincoln au milieu d'une horde de chevaux lancés au galop, ou encore celle d'un train roulant à toute allure au milieu d'un brasier (tourné sur fond vert) sur des rails suspendus. Du grand n'importe quoi qui peut rivaliser avec les CGI de Ghost Rider ! Au-delà de la photographie jaunie façon vintage et de son photoshopage lisse rendant le tout totalement irréel, le pire réside dans le maquillage et les perruques de Lincoln vu à différents âges.

© Twentieth Century Fox
Si l'esthétique n'est pas toujours une réussite et finit par lasser à force de profusion de style, le film se vautre dans les grandes largeurs en ce qui concerne la mise en place de l'histoire en expédiant à la vitesse lumière toute mise en contexte de l'action, et l'introduction digne de ce nom des personnages. Et le mélange des genres n'est pas responsable ! Si la première partie fonctionne plutôt bien, on se voit largué à partir du moment où Lincoln devient l'historique président que nous connaissons. Pourtant le postulat de départ  avait de quoi séduire, à savoir l'intégration des vampires comme ennemis au temps de de la Guerre de Sécession, la mobilisation d'un peuple pour sauver les Droits des humains face aux vampires en parallèle à l'abolition de l'esclavage.... Mais le scénario est trop creux et les répliques sans force, voire risibles ("La vraie puissance Lincoln vient de la vérité" ou "Les Etats-Unis resteront à jamais une nation de vivants") pour sauver le film. Mais on peut prendre le parti d'en rire : (attention SPOILER - surligner pour lire) c'est l'argenterie qui sauve la nation de la Guerre de Sécession (FIN SPOILER), les chariots en bois défoncent les murs de pierre et Lincoln est plus fort que Batman et Spider-Man réunis : il explose les arbres en un coup de hache ! Sisi !

© Twentieth Century Fox
Et si vous vous attendez à voir un film de bastons où l'hémoglobine coule à flots seront déçus car côté horreur et gore, tout est shooté hors cadre, pour ne pas choquer et rester dans le divertissement tout public. Ainsi les méchants vampires ne sont présents qu'en mode figuration et les coups de hache en pleine tête des monstres restent hors-champs.

© Twentieth Century Fox
Côté acteurs, si Benjamin Walker (qui ressemble furieusement à Liam Neeson en plus jeune - mais moins charismatique) fait parfaitement illusion dans la peau de Lincoln et s'en sort plutôt bien dans les scènes d'action, il est moins convaincant lors de scènes plus dans l'émotion (honteusement désamorcées car elles aussi sont montées comme le reste du film).

En résuméDéception. Ce qui aurait dû être fun et pris avec du recul comme un gros nanar pour mangeurs de pop-corn est finalement une oeuvre prétentieuse financée à gros coups de billets verts et dont les résultat est brouillon. Monsieur Burton, nous ne vous félicitons pas !

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