samedi 28 mai 2011

Interview : Ryan Phillippe, le joli coeur... meurtrier dans l'âme ?

Ryan Phillippe fait partie de ces acteurs discrets, dont on a l'impression de le voir peu au cinéma, et qui finalement, tourne un film par an. Le beau gosse de Studio 54 et de Sexe Intentions est de retour dans L'Affaire Lincoln. Il a de nouveau enfilé le costume de Louis Roulet, un salopard façon Officier Tommy Hensen dans Collision, qui devient le suspect numéro 1 dans une affaire d'agression sexuelle et de meurtre. Rencontre avec celui qui préfère les rôles de "bad guy".

Etiez-vous surpris de voir une telle noirceur en vous ?
Pas vraiment. Je pense que chacun d’entre nous a une part de  noirceur en lui. Et notre rôle en tant qu’acteur est de prétendre cette noirceur, et c’est ce que j’aime le plus. On doit rester dans cette période de notre enfance où l’on se faisait passer pour quelque d’autre quand on jouait. Quand j’étais plus jeune, lorsque je devais jouer des rôles très noirs, intenses émotionellement, ils ne me quittaient pas quand je rentrais chez moi. C’est comme s’ils coulaient dans mes veines. Mais après 19 ans de carrière, je peux les laisser derrière moi quand je quitte le studio et que le travail est fait. Cela ne m’affecte plus.

Quel autre personnage de méchant vous a inspiré ?

Je ne me suis pas basé sur un personnage de film pour créer Louis Roulet. J’ai surtout regardé beaucoup d’interviews de Joran Van der Sloot,  dans l’affaire Natalee Holloway (une adolescente américaine qui a disparu lors d’un voyage à Aruba, et qui a été vue pour la dernière fois avec Van der Sloot et ses deux frères, ndlr). Il y avait une certaine arrogance et un certain regard dans ses yeux que je trouvais intéressant à reprendre. Et je me suis inspiré d’autres crimes réels, mais rien d’autres films.

Qu’avez-vous ressenti quand vous avez joué ce personnage impossible à déchiffrer au départ ?
C’était la partie la plus excitante à interpréter. Ma scène préférée est celle où Roulet va à la barre et que le public sait qu’il est coupable mais que le jury ne le sait pas. Ce que j’adore, ce sont tous ces petits éléments qui mènent à la manipulation. Et que l’avocat déteste son client, c’est un point de départ plutôt intéressant et ingénieux (rires).


C’est le premier film de procès que vous faites…
Absolument. C’est un genre à part et on n’en a pas vu de bons depuis un moment. Les derniers remontent à Absence de malice (de Syndey Pollack, avec Paul Newman, Sally Fields, 1981) et Le Verdict (de Sydney Lumet, avec Paul Newman, Charlotte Rampling, 1982). Et je pense que comparé à ceux-là, c’est le meilleur travail qu’ait fait Matthew (McConaughey), selon moi. Les spectateurs semblent aimer les drames judiciaires. Je ne sais pas pourquoi. En général, les gens n’aiment pas les avocats. On en parlait hier, tout le monde veut devenir riche et tout le monde déteste les avocats, alors que dans le film, le héros est un avocat et le riche est le méchant. C’est plutôt marrant.

Est-ce que ce film vous a aidé à mieux comprendre le système judiciaire américain ?

J’ai effectivement beaucoup appris car sur le plateau, le juge est un vrai juge, la sténo était une vraie sténo; on avait tout un tas de consultants, et l’un des producteurs (Tom Rosenberg) est un ancien avocat de Chicago. En cela, cela a été plutôt pédagogique. Le système judiciaire américain est défectueux, il peut être influencé par l’argent et le pouvoir. On a pu le voir dans des grands procès, comme celui d’O. J. Simpson. Mais j’ai le sentiment qu’il y une volonté de justice et que la grande majorité des gens qui travaillent dans ce système veulent bien faire leur job, mais que les erreurs humaines existent. C’est quand même hallucinant de voir que certaines personnes sont condamnés à la prison à vie et qu’après des tests ADN, on s’aperçoit qu’ils étaient innocents.  Je ne peux pas imaginer quelle vie on a après ça !
 

Ce rôle a-t-il été écrit pour vous ?
Non, non, j’ai dû me battre pour ce rôle. Littéralement (rires). Je le voulais vraiment. La tenue d’un film dépend vraiment des acteurs et de leur interprétation, dont il a fallu vraiment donner un aperçu de ce que je pouvais donner pour convaincre les producteurs. J’en suis arrivé à un point de ma carrière où jusque là, on est venu me chercher pour les rôles. Et là, il y avait près de 200 mecs qui ont auditionné. Mais ce n’était pas gagné ! Je n’avais jamais joué un rôle pareil. J’ai aimé la façon dont été écrit le script. Maintenant, à Hollywood, tout n’est que sequel, 3D, explosions… C’était rafraîchissant de pouvoir avoir une vraie direction d’acteurs, un drame, le genre de film qui m’a fait devenir un acteur. Comme ceux de Paul Newman, Steve Mc Queen… Alors que Hollywood ne se concentre plus que sur le côté commercial, le top 10, les super-héros. J’imagine qu’ils sont marrants mais ce qui attire plus ce sont les vraies histoires.


Les super-héros, c’est pas votre truc…

J’aime bien, je considèrerais la chose sous un autre angle si on me proposait un projet valable, qui me parle. Mais j’aime la pureté des films d’acteurs et de dialogue.


Que pensez-vous du travail de Brad Furman (le réalisateur) ?
On est quasiment du même âge, et on vient tous les deux du sud de Philadelphie, et en cela on a pas mal de points communs. Le film n’aurait pas été le même s’il avait été réalisé par quelqu'un de plus âgé ou plus expérimenté. Ce qu'a apporté Brad, c'est de l'énergie, ce qui rend le film unique. Il était déterminé à ce le rendu ne soit pas ennuyeux et a tout fait pour l'éviter.  J'aimerais retravaillé avec lui.

Vous avez un physique de jeune premier, voire de playboy, et vous jouez des rôles noirs. Pourquoi ?
J’aime ce qui est compliqué, les drames, une part de noirceur. Je pense que comme beaucoup d’acteurs, plus je m’éloigne de ce que je suis, plus je m’amuse dans ce que je fais, et plus je m’implique dans mon personnage. Je n’aime finalement pas trop les films que j’ai faits où mon personnage me ressemblent de trop. De toute façon, je n’aime pas regarder les films que j’ai fait. Il y en a certains même que je n’ai jamais regardés (rires). Mais celui-là, je l’adore et il fait partie de ces films dont je suis fier. Et cela a été sympa de le regarder parce qu’on n’est pas forcément dans toutes les scènes, donc le voir en entier, ça m’a conforté dans mon choix. J’ai toujours joué dans des R-rated films (interdits aux moins de 17 ans, ndlr). Et j’aimerais un jour pouvoir joué dans un film que mes enfants puissent voir (ils n’ont que 7 et 11 ans, ndlr). Le seul qu’ils ont vu est Lame de fond, de Ridley Scott, avec Jeff Bridges.

Et si l’on vous proposait le rôle de Sinatra (en préparation par Scorsese), que diriez-vous ?

Oh mon dieu, j’adorerais ! J’ai toujours été fasciné par cet homme. La vie de folie qu’il a menée, ses relations avec la mafia, avec les Kennedy, ses différentes femmes… Quand on pense qu’il n’est parti de rien, qu’il vivait comme un clochard dans le New Jersey et qu’il est devenu l’un des plus puissants du monde. Et c’est grâce à lui que l’une de mes filles s’appelle Ava, car Ava Gardner est l’une des seules femmes qui a réussi à briser le cœur de Sinatra.

Le métier de producteur ne vous tente-t-il pas ?

J’ai déjà été producteur une fois. Mais cela m’intéresse de plus en plus. Et là, j’ai vendu une série à la chaîne Showtime que j’ai créée et dont je suis l’executive producer. Et j’ai aussi produit un documentaire qui va sortir cet été. Il est vrai que je suis acteur depuis un bon moment (j’ai fait mon premier film il y a 17 ans), et pour avoir tourné avec Robert Altman, Ridley Scott, Clint Eastwood, je suis désormais prêt à apprendre ce métier et m’en servir autant que possible.

Et la réalisation ?

J’y pense aussi. Je tourne un film à New York à partir de mai. Et ensuite, je vais réalisé un court-métrage, qui j’espère me donnera la possibilité de réalisé le film que je veux vraiment tourner l’année prochaine.

C’est un job totalement différent…
Totalement. Mais jusqu’à présent, j’ai appris sur tous les tableaux. Et je n’ai pas une personnalité qui est faite pour divertir. Je suis un acteur qui vaut ce qu’il vaut mais je ne suis pas un performer, un comique. Je pense que je serai mieux derrière la caméra.

Donc pas de Sinatra…
Alors là, si l’occasion se présentait, évidemment, je le jouerais (rires). Mais il n’est de toute façon pas question que je quitte le métier d’acteur définitivement… Des gens qui se nourrissent de la célébrité, des feux de la rampe. Je ne suis pas ce genre-là, même si cela paraît bizarre de dire ça pour un acteur. Je pense que je mûris aussi; à 36 ans, je veux faire des choses différentes de celles que je voulais à 19 ans.

Et vos projets en tant qu’acteurs ?
Je commence Chronicle, en mai, avec John Hawkes (nommé à l’Oscar pour Winter’s Bone), Justin Long, Ben Foster, Helena Bonham-Carter, qui raconte une histoire vraie qui s’est déroulée à New York dans les années 1990, de ces hommes qui ont monté un syndicat de la marijuana à Manhattan. C’est un film sérieux. C’est le Wall Street de la marijuana, ce n’est pas un stupide « pot movie ».

Et vous allez devoir fumer un peu ?
Je vais devoir faire des recherches… (rires). Et c’est pour ça que je suis en train de faire pousser ma barbe, car je vais devoir changer un peu.

Itw : Audrey - Trad. : Marie

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