mardi 25 octobre 2011

Critique : Carnage : L'Enfer, c'est les autres. Et le purgatoire est soi-même ? (7/11/12)

CARNAGE
De Roman Polanski
Avec Christoph Waltz, John C. Reilly, Kate Winslet, Jodie Foster



Adapté de la pièce de Yasmina Reza Les Dieux du Carnage, triomphe critique et public sur les scènes de Londres et de Broadway, Carnage devient un sobre huis-clos urbain, simple mais toujours aussi explosif sous la houlette de Roman Polanski. 


Deux couples de parents se rencontrent afin de trouver un arrangement après une bagarre qui a eu lieu entre leurs deux fils de 11 ans. Les dommages ? L'un des deux a perdu des dents et un bout de gencive. Rien de dramatique en soi, mais entre gens intelligents et courtois, un accord à l'amiable est souhaitable. Chose faite en deux temps trois mouvements jusqu'à ce que l'un d'eux dise un mot de trop... qui fait dérailler cet ensemble trop poli pour être vrai. Filmé dans un seul décor d'appartement "bourgeoisement" coquet, ces quatre personnages vont progressivement et inexorablement s'enfoncer dans une logorrhée vénéneuse, prenant au vol le moindre mot mal placé, pour évacuer leur "trop plein" accumulé toutes ces années sans exploser. Leurs névroses conjugales ainsi exposées, ils finissent par devenir aussi immatures et futiles que leurs enfants.

Au départ, Carnage met en scène deux couples qui n'ont pas la même façon d'élever un enfant et qui s'affrontent en voulant chacun imposer leurs idées. Petit à petit, on s’éloigne du sujet "ces chères têtes blondes", pour atterrir au milieu des problèmes de couple. Ce qui les unissait chacun dans leur mariage devient une joute hommes contre femmes, machisme contre matriarcat. La bonne humeur du mari émasculé (John C. Reilly, vu récemment dans We Need to Talk about Kevin) s'efface au profit d'une fronde anti-avocat malhonnête et insupportable (Christoph Waltz, vu récemment dans Les Trois Mousquetaires). Et la bienséance de ces dames (Kate Winslet et Jodie Foster) s'évanouit lorsqu'elles tournent les talons. Une situation explosive sans intrigue particulière mais servie par des dialogues (enrichis de références artistiques et politiques) savoureux et... piquants !

Le film ressemble à son affiche : une multitude d'humeurs, toutes aussi contradictoires les unes que les autres, dans un univers fermé à la limite de la suffocation, où la fuite n'est pas possible. Polanski, habitué des huis-clos (La Jeune Fille et la Mort, Cul-de-sac et Le Locataire) donne la part belle à un jeu d'acteurs impressionnants (avec tout de même un léger bémol pour dame Foster, qui à force de hurlements et de gesticulations peut devenir agaçante). On prend un réel plaisir à les voir s'en mettre plein la figure, écornant l'image BC-BG et bien-pensante, finissant leur pugilat en crise de nerfs éthylo-collective.

Malgré un rythme rapide et une mise en scène loufoque, il n’est pas impossible que le spectateur décroche de temps à autre. Car il faut le dire : Carnage, c'est avant tout du théâtre filmé ! Même si la mise en scène est ingénieuse, il n'en reste pas moins qu'on se sent au théâtre. Mais le film sait varier les genres avec talent. Tandis que chaque personnage révèle inexorablement sa personnalité véritable (et monstrueuse), bien moins reluisante que celle que l'on s'était imaginé au départ, le décor devient le prétexte à une suite de destructions symboliques absurdes et... jouissives. Un bouquet de tulipes à 20 dollars, des livres d'art en édition limitée et un Blackberry qui sonne en permanence deviennent des armes de destruction sociale massive, synonymes d'un monde consumériste et déshumanisant, où les gens sont éduqués à éviter le réel conflit. Alors on rit lorsque Kate Winslet vomit sur les inestimables livres, qui deviennent plus importants que la santé de la jeune malade. Et on sourit lorsque le portable est mis dans le vase, révélant l'agacement général de ses interruptions permanentes. En cela Polanski nous livre une mise en scène subtile pleine d'hypocrisie. On regrette sans doute la fin qui n'a pas la teneur du reste...


En résumé :
Carnage n'est pas à la hauteur de The Ghost Writer mais rattrape largement Oliver Twist. Un cinéma divertissant où des acteurs font le maximum pour rendre la situation crédible, avec des dialogues burlesques et croustillants.

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