samedi 2 avril 2011

Sucker Punch, du fantasme réaliste

Bienvenue dans l'imaginaire débordant de Zack Snyder. Il signe son 5e long-métrage, Sucker Punch (sortie le 6 avril), dans la veine de ses précédents, sombres et sans frontière entre réalité et fantasme (Zombie, 300, Watchmen...). Il réalisera d'ici quelques mois le reboot de Superman, puis la suite de 300 et Army of the Dead. Tout un programme !
Une jeune fille à la vie cauchemardesque n'a d'autres moyens de s'échapper de son quotidien que de suivre son imagination. Enfermée dans une institution, elle décide de s'enfuir avec quatre autres jeunes filles. Elles rencontreront sur leur chemin des créatures fantastiques, des samouraïs, des serpents... Mais rien ne leur fait peur. Elles combattent sans faille dans ce monde virtuel à la recherche de leur liberté.
Rencontre avec le réalisateur de cette aventure tout en charme, jupettes courtes et armes lourdes.

© Warner Bros
Est-ce que l'expression "Sucker Punch" est une expression qui existait déjà ou vous l'avez inventée ?
C'est une expression toute faite. Cela veut dire "qui a été frappé par surprise". Ce titre est venu assez vite sur le tapis car le film est plein de métaphores. Et on voulait faire un film de genre, qui a se base sur le thème "amour/haine".

Vous avez été critiqué aux Etats-Unis pour le côté sensuel, voire sexuel, de votre film. Qu’avez-vous à répondre ?
Dans un bordel, les hommes viennent, s'assoient dans le noir et regardent les filles danser. Au cinéma, on s'asseoit dans le noir et on regarde les filles se battre. C'est le même façon de procéder. J'avais dans l'idée que les filles reprennent à leur compte ces "icônes féminines" à la fin du film, même si cela peut mener vers un côté très noir. J'ai essayé de ne pas filmer de façon sexuelle... en fait, je n'ai pas essayé de ne pas le rendre sexy (rires). Je l'ai filmé comme si cela ne pouvait pas être des filles. La façon dont je les ai photographiées en train de se battre, elles ne pouvaient pas être des filles pour moi. Je n'ai pas pensé "oh, regarde comme elles sont sexy"... J'étais plutôt du genre : "Ok, battez vous contre ces mecs, je veux filmer ces actions du mieux que je peux". Je ne voulais pas coller une étiquette « pour fille » ou  « pour garçon » sur ce film d'action. Mais il est vrai qu'elles portent ces costumes... J'avais dans l'espoir qu'elles se ré-approprieraient l'imagerie "iconique" à leur propre compte, et que cette imagerie disparaîtrait au fur et à mesure du film, et qu'on ne ferait plus attention au fait que, si elles doivent se battre, elles doivent porter leur costume de combat.
Mon plus grand espoir est que les gens voient au-delà de l'imaginaire que j'ai recréé, qu'ils s'imaginent encore plus de choses que moi. Que l'on voit le premier niveau basique et qu'on puisse se laisser emporter sans fin. Aux Etats Unis, le fait que les filles soient lobotomisées, leur sexualité, les armes... les gens ont intellectualisé le film.


Peut-on parler de film misogyne ou féministe ?
© Warner Bros
C'est génial qu'on puisse discuter d'un film dans des termes si opposés ! Certains vont argumenter sur la prise de pouvoir des femmes, et d’autres sur l'asservissement des femmes par les hommes. Je ne pouvais pas espérer mieux, car si ces questions n'avaient pas été posées après que les gens ont vu le film, d'un côté comme de l'autre, je crois qu'il aurait été raté. Si j'avais dû prendre parti pris pour un côté ou l'autre en tant que réalisateur, j'aurais été incapable de faire le film. S'il n'avait été que féministe, j'aurais été horrible! (rires) Et cela aurait un film très particulier. Je suis un homme, je ne suis pas sûr d'être capable de le faire, cela n'aurait pas été honnête. Il aurait fallu que je demande tout le temps à ma femme "et toi, tu verrais tel dialogue pour telle situation ? " (rires). C'est une question épouvantable ! Ou il aurait fallu embaucher une femme plutôt que moi !
C'est marrant parce que, lorsque j'ai écrit la scène où les filles préparent leur plan pour s'échapper, à la fin de la scène, les filles pleurent. Je n'avais pas du tout écrit ce passage, je n'avais pas écrit le fait qu'elles pleurent. C'est pendant une prise, elles se sont toutes mises à pleurer, et j'ai crié "couper". Je me suis dit, "ok, je comprends pourquoi je n'ai pas écrit cette scène". Je ne l'aurais jamais imaginée... Moi, je suis plutôt du genre à imaginer les gars en train de se prendre des coups de poings (rires). C'est pour ce genre de choses que tu travailles avec les acteurs, que tu as de longues conversations avec les filles parce qu'elles ont cette intelligence et qu'elles n'ont pas peur de faire ce genre de chose. Comment suis-je censé savoir ce genre de chose en tant qu‘homme ? Les filles sont si fortes, elles ont eu une grande influence sur moi, et elles ont cette force parce qu'elles arrivent en groupe. Et rajoutez ma femme (et ma productrice) donc je suis en infériorité numéraire. Et sur coup-là, je leur ai fais totalement confiance parce qu'elles avaient compris ce que je voulais faire. Elles ont compris que je voulais créer la discussion, que le film fasse parler de cette opposition.

© Warner Bros
Finalement, quelle a été la partie la plus difficile ?
J'ai créé ce film en pensant qu'il serait interdit aux moins de 13 ans aux Etats-Unis. Je sais comment faire un "R-rated movie" (interdit aux moins de 17 ans, ndlr)...  Ma femme m'a demandé jusqu'où je voulais aller, parce qu'on savait que le sujet pouvait être très dur. C'est tout de même l'histoire d'une fille qui va être lobotomisée, c'est comme ça qu'elle gagne d'ailleurs (rires). Et on s'est dit que ce serait mieux d'en faire un film interdit au moins de 13 ans et en profiter pour le faire plus fantastique. Et de laisser la sexualité des filles faire son oeuvre plutôt que d'avoir des hommes faire les gros durs, à tuer et à décapiter des têtes tout le temps. Mais j'ai sous-estimé mon appréciation sur qui est pervers ou non, ce qui est considéré comme pervers. Je n’ai pas réalisé à quel point j'allais loin. Et parfois les autres me disaient de temps en temps de freiner mes idées pour revenir au classement interdit au moins de 13 ans car j'allais trop loin. Ca m'est arrivé 5 ou 6 fois.

© Warner Bros
Pour quelles scènes ?
Au départ, au montage, je me suis dit que c'était vraiment un  film interdit au moins de 17 ans. Et puis je me suis aperçu que j'avais un clergé dans mon équipe. J'y croyais pas ! (rires) Je me suis dit "je suis foutu s'il y a un clergé parmi nous". Tout ça va finir en histoire de prêtres qui donne des vierges en pâture. Mais le fait d'avoir ces membres de l'équipe pour me cadrer à été bénéfique pour le film. Mais je n'aurais pas pensé qu'ils aillent aussi loin dans le côté psychologique.

Est-ce que cela vous gêne que ce soit un film pour le jeu vidéo qui ait amené les spectateurs dans les salles ?
Un ami fait des « cinematics », des mini-films à partir de scènes de jeu vidéo, qui deviennent les pubs pour les jeux video au cinéma. Grâce à cela, ceux qui ne jouent aux jeux video font la connaissance des jeux video à travers ces cinematics. Mon ami m'a dit que Sucker Punch, plein d'action, serait parfait pour faire un cinematics. Je l'ai invité à partager ses idées lors des brainstormings sur le film, pour qu’il nous donne des idées sur la construction des scènes d'action. Mais il m'a répondu que ce n'était pas comme ça que ça marchait. Normalement, le film se tourne d'abord, et après, on fait le film pour le jeu vidéo en reprenant les scènes du film. Mais dans le cas de Sucker Punch, ils ont repris des idées de mes précédents films pour faire le cinematic et les gens ont cru que le jeu video avait été fait avant le film.


Entretien réalisé par Audrey, traduit par Marie.

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