dimanche 24 novembre 2013

[Critique] The Immigrant : Fresque romanesque classique (27/11/13)

THE IMMIGRANT

De James Gray
Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix, Jeremy Renner…

Sortie le 27 novembre 2013



1921. Comme beaucoup d'Européens, les sœurs Cybulski tentent de se construire une nouvelle vie en partant de leur Pologne natale pour vivre à New York. Fraîchement arrivées à Ellis Island où les migrants sont débarqués et examinés, Magda et Ewa sont séparées. La première est mise en quarantaine car atteinte de la tuberculose, tandis que la seconde désemparée, a été repérée par Bruno, un patron de cabaret soit-disant bienveillant et au bras long. Mais Ewa va vite déchanter : ses premiers dans le pays de toutes les libertés vont s'avérer remplis de larmes et de désillusions...


Lorsqu'on parle de James Gray, deux mots viennent à l'esprit : esthétisme et émotions. Après les excellents The Yards, La Nuit nous appartient et Two Lovers, le cinéaste revient avec une fresque romanesque hollywoodienne plutôt classique, sans la grande puissance attendue. Si la toile de fond est très personnelle -- revenant sur ses origines d'immigré russe, il délaisse la psychologie masculine au profit des atermoiements émotionnels féminins. Un voyage qui peut-être l'a déstabilisé car Ewa est dépeinte à gros traits, sans nuances ni mystère et semble coincée sur le disque rayé de la victime sur qui tous les malheurs du monde reposent. Un rôle écrasant qui paraît légèrement survolé au départ par une Marion Cotillard submergée par un ton trop plaintif. Puis à mesure que l'histoire se révèle, elle transcende le rôle, oscillant entre dureté et vulnérabilité, sans pour autant tomber dans la naïveté craintive. À ses côtés, on retrouve un Joaquin Phoenix fêlé, prédateur et proie à la fois. Plus fragile et perdu qu'il n'y paraît, Bruno est un salaud doté d'une conscience morale et de remords qui le rongent, le rendant touchant et quasi pardonnable. Et Jeremy Renner, solaire en magicien charmeur, tout aussi insaisissable, avec qui Ewa pense retrouver la liberté et un avenir.

Et pourtant, le réalisateur se refuse à toute intimité. Sa puissance émotionnelle vient de son éternelle patte visuelle. Il alterne scènes spectaculaires et intimistes, de l'île d'Ellis Island à la chambre d'Ewa, des rues de New York au petit cabaret de Manhattan. L'image d'une ville brillante et poisseuse à la fois, accompagnée d'une photographie sépia sublime telle de vieux clichés jaunis par le temps, et d'une mise en scène d'une précision d'horloger suisse


Entre devoir de pardon et contrition

The Immigrant s'avère un film plus complexe qu'il n'y paraît. Tout n'est qu'apparat et déguisement. Gray révèle avec parcimonie et lenteur la nature perverse que Bruno entretient avec Ewa. De même que la prostitution se cache derrière un spectacle de cabaret grotesque et du théâtre de rue misérable... Personne n'est ce qu'il prétend être et chacun se cache derrière un rôle, jusqu'au jour où le voile tombe. Ainsi se révèle dans une certaine confusion maîtrisée le cœur du récit : l'éternelle recherche du pardon et de rédemption, si chère au cinéma américain de ces dernières années. 
Si les personnages sont en lutte avec leur quotidien éprouvant et étouffant et finissent par chuter, ils sont à leur manière en quête d'une possible réhabilitation et d'une libération totale. La scène troublante du confessionnal en est un parfait exemple (dans laquelle Bruno espionne Ewa en train d'expier ses pêchés, comme si toute faute avouée appelle à l'absolution et au droit au rachat). Une relation qui se terminera par un dernier plan d'une beauté rare, à la symbolique forte et l'ambivalence poignante : celle de deux corps qui se séparent alors que les sentiments viennent d'éclore et de rapprocher deux âmes.


En résumé : Dommage que le fond ne soit pas aussi réussi que la forme. L'élan mélodramatique est bien là, mais il manque ce petit quelque chose qui nous remue l'estomac. Légèrement décevant connaissant le réalisateur...

Messages les plus consultés