mardi 12 juin 2012

Critique : Trishna : brouillon indien façon lutte des classes (13/06/12)

Si Michael Winterbottom nous a habitué à concocter du très bon ciné (The Killer Inside Me, The Trip), il nous a aussi parfois déçu dans les grandes largeurs. Et malheureusement Trishna fait partie de cette seconde catégorie. Loin de la carte postale rose Lassi d'Indian Palace, Trishna avait une base de scénario plutôt solide puisque Winterbottom s'est attaqué au roman  de Thomas Hardy, Tess d'Ubervilles. Une ooeuvre monumentale dans lequel il était question de la sexualité de la femme en dehors du mariage, du poids de la culpabilité portée par celle-ci jusqu’à un sacrifice expiatoire. Des thèmes tout à faits contemporains dans une Inde à la fois multiculturelle et en pleine expansion, et pourtant ô combien conservatrice et repliée sur elle-même.Le réalisateur britannique n'en est pourtant pas à sa première adaptation de l'écrivain du XIXe siècle (Jude, Redemption). C'est la jolie Freida Pinto qui endosse le rôle de Trishna. Pas facile de passer derrière Natassia Kinski qui a interprété la belle sous la direction de Polanski en 1980 ! Ma curiosité avait été piquée mais malheureusement, l'égérie de L'Oréal n'égale pas celle qui l'a précédée. Est-elle la seule fautive ? Assurément pas.

De quoi s'agit-il ?


Habitante du Rajasthan, Trishna vit avec sa famille dans une maison modeste. Cette jeune paysanne indienne travaille pour son père. Issue d'un milieu défavorisé, elle fait la rencontre de Jay, un séduisant jeune homme aussi hâbleur que fortuné. Charmé, il offre à la jeune femme la possibilité de travailler en tant que serveuse dans son hôtel de luxe. Devenus amants, ils vont alors se plonger dans une passion amoureuse, contrariée par une lutte des classes pesante et acaparante. Va-t-elle trouver un équilibre dans cette nouvelle vie ?

"Selon le Kama Sutra, il existe 3 sortes de femmes à qui l'on peut faire l'amour : la servante, la célibataire et la courisane. Laquelle es-tu Trishna ?"

Voilà une réplique qui résume assez bien les états par lesquels passent la jeune Trishna. Déracinée de ses terres et de sa famille, elle succombe à l'appel de la modernité, du confort et de l'amour inconditionnel. Mais pour "faire vrai" entre plans de paysages lourdingues pour montrer les lieux de l'action et la caméra à l'épaule qui donne un résultat désordonné, Winterbottom finit par s'emmêler les pinceaux et proposer un scénario (et un montage) brouillon, voire parfois improbable. De la matière prinicpale, il reste une trame maladroite et rythmiquement lente. Il était évident qu'il fallait passer au coupe-coupe les centaines de pages du roman. Il a donc dégraissé un maximum le récit, multiplié les ellipses narratives et sacrifié des personnages, qu’il remodèle un peu n’importe comment. Résultat : un récit qui ne tient pas la route, truffé d’incohérences qui frôlent le grotesque. Le personnage de Trishna, qui devrait nous emporter dans un tourbillon d'émotions aussi différentes que la crainte, la passion, la haine, l'admiration... mais Freida Pinto nous laisse finalement un léger frémissement tout au plus. sa beauté découverte dans Slumdof Millionnaire et souvent exmploitée comme un faire-valoir ne suffit pas pour un tel rôle. Une fois passive puis soumise, elle devient cette femme duquel plus rien de naturel ne sort. Et on avance vers le final (qui devrait être le summum émotionnel) avec une espèce d'embarras indicible. Pas facile de s'y attacher alors qu'on n'y croit pas vraiment...

Quant au personnage masculin joué par Riz hmed résulte d'un mauvais mélange des deux figures du roman, Alec d'Ubervilles et Angel Clare, qui a pour effet de construire un personnage qui passe d'une extrême à l'autre sans transition ni explication. L'agneau devient tyran, l'amant devient violeur, le libertin se trouve conservateur, et tout cela sans aucune logique. Une incompréhension qui rejoint finalement le traitement formel du film, à côté de la plaque et brouillon, quand il n’est pas juste maladroit. Trishna est un film dans lequel tout va de travers, signe que les réalisateurs anglais ne sont définitivement pas les choix les plus judicieux pour filmer l’Inde. Winterbottom semble être passé à côté de tout ce qui faisait la beauté et la modernité du récit initial.

En résumé : Ce qui avait commencé comme une belle histoire d'amour pasionnelle se finit en drame peu crédible. Mieux vaut revoir Tess, qui ne devrait pas tarder à ressortir dans une copie restaurée.

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