vendredi 22 juin 2012

Critique : Rebelle : une princesse pas comme les autres ? (01/08/12)

REBELLE

De Mark Andrews, Brenda Chapman
Avec (voix VO) Kelly McDonald, Billy Connolly, Emma Thompson, Julie Walters, Robbie Coltrane....


Les jouets ont été remisés au placard, les voitures au garage, les animaux retournés dans leur zoo, les super-héros et les monstres rentrés chez eux... Pixar (petit dernier de la maison Disney) s'essaie pour la première fois au film de princesse avec Rebelle, une figure que le cinéma d'animation du géant aux grandes oreilles connaît bien depuis La belle au bois dormant (1959). Un défi certains diront, car la filiale de Disney est plutôt connue pour prendre le contrepied de l'animation traditionnelle. Et le genre film de princesse a été plus qu'éculé par la maison-mère pendant des décennies.

Rebelle a donc été chouchoutée et dorloté ce projet pendant plus de 7 ans (il semblerait qu'il ait donné du fil à retordre à ses créateurs) avant d'accoucher de ce beau bébé. Il faut dire qu'il a changé de mains au bout de 5 ans de développement, passant de celles expertes de Brenda Chapman, vétéran de l'animation, à celles Mark Andrews. Mais il avait là un concept novateur pour le studio : un personnage principal féminin. Une première pour Pixar. Ne manquait plus qu'une bonne histoire ! Et c'est là que le bât blesse... Si Pixar espère faire oublier la contre-performance de Cars 2,  éreinté par la critique et snobé par les Oscars, rien est moins sûr que Rebelle fera le bonheur du tiroir-caisse du studio.

De quoi ça parle ?
Rebelle suit les aventures de la princesse écossaise Merida (dont la voix française est celle de Bérénice Bejo), un garçon manqué au caractère bien trempé. L’impétueuse fille du roi Fergus et de la reine Elinor n'est pas de celles à qui l'ont dit quoi faire, même si c'est sa mère qui l'ordonne ! Son problème ? Elle ne veut pas devenir princesse. Maniant le tire à l’arc comme personne, Merida refuse de se plier aux règles de la cour et défie une tradition millénaire sacrée aux yeux de tous et particulièrement de sa mère : se marier avec l'un des héritiers des clans du royaume. Dans sa quête de liberté, Merida va invoquer les pouvoirs magiques d'une sorcière aux conséquences aussi terribles qu'inattendu et précipiter le royaume dans le chaos. Il lui faut mettre ses désirs personnels de côté et rassembler tout son courage, sa détermination et un peu d'humilité pour lever la terrible malédiction.

Entre défi technique réussi et scénario décevant
Mark Andrews, descendant d'une famille écossaise, est tout à fait à l'aise dans l'univers du film. Fan d'histoire, archer hors-pair et porteur de kilt, il nous balade entre highlands et feu-folets, château moyenâgeux et magie noire sans aucune fausse note. Et côté visuel, on tombe encore sous le charme. On retrouve la richesse organique des forêts écossaises dans les folles traversées à cheval de Merida. Ou encore les mouvements incroyables de la chevelure rousse et bouclée de la princesse, comme un personnage à part entière, symbole de la liberté et de la fougue de Merida, ou encore ceux du pelage des ours (mais je n'en dirai pas plus à ce sujet...). Seul vrai point technique négatif : avec les lunettes actives 3D, la luminosité du film est réduite, ce qui n'entache en rien la qualité du procédé tridimensionnel, mais qui a tendance à rendre l'image plus sombre et fatigante pour les yeux.
La mise en scène s'éloigne avec bonheur des productions d'animation habituels, et en cela Pixar à gardé son identité. Mais à force de vouloir en mettre plein la vue, l'équipe technique étouffe un peu le scénario finalement pas si hors-norme qu'il était prévu. Si l'on s'attache sans problème aux personnages, qu'on développe une réelle empathie pour le personnage qui souffre de la malédiction et qu'on sourit souvent au comique de situation, on regrette un manque d'originalité dans l'écriture (comme souvent dans les projets de grande envergure américains, il n'y a qu'à voir le dernier Rock Foreverdans un tout autre genre).

Le Moyen-Âge et l'Écosse étaient un point de départ original mais finalement peu exploité, voire survolé. On aurait eu envie de voir les légendes celtiques creusées davantage, ou encore la magie qui descend de la culture traditionnelle des environs, au lieu d'éléments fantastiques devenus très secondaires. Cela dit, la scène de la sorcière vaut le détour... Même les personnages sont peu étoffés. Le roi Fergus, dit Roi Ours après sa bataille avec le méchant Mor'du, ne sert finalement pas à grand chose, à part se faire marcher sur les pieds par sa femme et sa fille. Quant à Merida, princesse qui se veut moderne et proche du public, elle est réduite à une ado tête à claques en pleine crise de puberté banale, qui veut s'affranchir du carcan familial imposé par sa mère. Si son combat pour la liberté, sans avoir besoin d'homme (au rebut les princes charmants !) est noble et tout à fait d'actualité, mais on la présente de façon réductrice comme un Oedipe au féminin ! Disney a déjà utilisé la recette de la femme forte et guerrière dans l'âme avec Mulan ou encore Raiponce. Sans aller jusqu'à transformer Merida en Katniss Everdeen, on aurait aimé voir un peu plus de nuances et une psychologie plus approfondie.

Finalement, on se retrouve face à une histoire de fi-fille à sa maman en pleine crise d'ado, qui se rebelle contre l'autorité parentale et les conventions établies, et qui aborde les thèmes de la transformation, de l'acceptation de l'autre tel qu'il est et du prix à payer pour parvenir à la maturité. De bien jolis sentiments et un noble voyage initiatique, mais on regrette la présence d'un vrai méchant, rôle qui a fait le bonheur de plusieurs productions Disney, et qui aurait pu donner une véritable scène forte, sorte de paroxysme du film. Pour autant, on passe un bon moment; la mère-ourse nous fait souvent rire, la course au désenchantement de Merida ne se fait pas sans quelques rebondissements narratifs (les bêtises des triplés à croquer) et les ingrédients des grands Disney sont là (paysages bucoliques, petites chansons étalant l'état d'esprit du personnage principal, morale bien pensante...).


En résumé : Défi artistique relevé haut la main mais manque cruel de profondeur. Mais on passe un bon moment de ciné !
Et joli moment de poésie avec le court-métrage suivant la projection de Rebelle, premier court de Mark Andrews chez Pixar.



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