vendredi 6 mars 2015

[Critique] Selma : le combat pour un droit (11/03/15)

SELMA

De Ava Duvernay

Avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Oprah Winfrey, Common… 

Sortie le 11 mars 2015


La fin de la ségrégation (le Civil Rights Act) a été votée en 1964 mais dans de nombreux Etats, les Afro-Américains n'ont toujours pas accès aux urnes. Martin Lutheer king s'attaque à un nouveau combat face à l'administration récalcitrante de Lyndon Johnson : le droit de vote. Dissuasion, intimidations, violences parfois mortelles… La communauté noire de Selma, en Alabama, devient la ville-symbole de la lutte pour le Voting Act.  C'est de là que Martin Luther King et son organisation pacifiste organise une dangereuse et terrifiante campagne, qui s’est achevée par une longue marche, depuis la ville de Selma jusqu’à celle de Montgomery, en Alabama, et qui a conduit le président Jonhson à signer la loi sur le droit de vote en 1965.



"Negociate, demonstrate, resist"

Ava Duvernay s'est attaqué à une période sombre des Etats-Unis en parlant d'un personnage emblématique qui n'avait jamais encore eu de film au cinéma. Erreur réparée avec un récit exemplaire, dépeignant un homme de conviction avec dignité et respect. 

Ce biopic ne cherche pas à raconter la vie entière du leader pacifiste mais se concentre sur une lutte qui a bouleversé l'Histoire de l'Amérique, et qui continue à faire des émules encore aujourd'hui. Il raconte ce moment sans chercher à en faire des tonnes, et qui se focalise davantage sur l'aventure humaine vécue par chacune des parties impliquées, sans privilégier l'une ou l'autre. Il manque sûrement l'audace d'un réalisateur plus aguerri ou habitué au biopic, car le résultat est très classique, et donne parfois la sensation de n'être qu'un cours d'histoire. Mais à l'instar du Majordome, de Mandela, de La Dame de fer, ou encore Ray, le biopic tombe souvent dans le classicisme que sa forme requiert. 

© Studio CanalCette simplicité a l'avantage de mettre en avant des hommes, avec toutes les contradictions, leurs doutes et leur fragilité, comme le Dr King qui, finalement, devient prisonnier de sa mission. Même si le portrait qu'en fait la cinéaste est inévitablement exemplaire, elle n'en oublie ses parts d'ombre (comme son côté volage, qui a failli lui coûté son mariage). Mais point trop n'en faut, il ne faudrait pas égratigner l'image du leader charismatique ! La performance du Britannique David Oyelowe, sobre et toute en finesse, rend au leader du mouvement noir toute son envergure politique et son pouvoir de persuasion.

© Studio CanalLa forme classique n'empêche pas de rendre ce film profondément humain. Le sens du découpage et de la dramaturgie de la cinéaste rend la lutte collective pour la liberté exaltante et particulièrement poignante. On s'attarde sur quelques personnages secondaires pour personnaliser le combat, et on s'identifie. On prend en empathie ce grand-père de 82 ans, bouleversant face à Martin Luther, mais qui ne cessera de battre le pavé qu'une fois le vote accordé. Les scènes de marche entre les manifestants et les forces de l'ordre sont incroyablement prenantes, où la tension est à son paroxysme. Et on ne peut s'empêcher de faire le lien avec l'actualité et du drame de Ferguson. 50 ans après les faits, la réalisatrice réussit à retranscrire avec précision le climat épouvantable et délétère qui régnait à l'époque, l'injustice et les violences du quotidien, qui ont fini par mener à l'adhésion des blancs à la cause noire. 

En résumé : Un film brillant, quoique classique, qui porte une conviction contagieuse.


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