lundi 18 janvier 2016

[Avis] No Land's Song : quand la voix d'une femme fait peur (16/03/16)

NO LAND'S SONG 

Documentaire de Ayat NAJAFI
Avec Sara NAJAFI, Parvin NAMAZI, Sayeh SODEYFI, Elise CARON, Jeanne CHERHAL, Emel MATHLOUTHI et Imed ALIBI, Chakad FESHARAKI, Sébastien HOOG, Ali KAZEMIAN, Edward PERRAUD, Ali RAHIMI, Maryam TAJHDEH

Sortie le 16 mars 2016

En Iran, depuis la révolution de 1979, les chanteuses ne sont plus autorisées à se produire en solo, tout au moins devant des hommes... Voulant rendre hommage aux grandes artistes des années 1920, Sara Najafi est déterminée à faire revivre la voix des femmes. Défiant la censure, elle veut organiser un concert pour des chanteuses solistes et rouvrir un pont culturel entre Paris et Téhéran. Elle invite Élise Caron, Jeanne Cherhal et Emel Mathouthi à venir rejoindre Parvin Namazi et Sayeh Sodeyfi dans leur combat. Durant deux ans et demi, Sara se voit opposer des refus, ses réunions régulières au ministère de la Culture mettant en lumière la logique et l'arbitraire du système. Mais jusqu’où aller trop loin ? La solidarité interculturelle et le pouvoir révolutionnaire de la musique triompheront-ils ? Thriller politique et voyage musical, No Land’s Song ne perd jamais de vue son véritable centre - la voix des femmes.


Les femmes n’ont pas le droit de chanter en public, du moins en soliste et devant un public composé essentiellement d’hommes. Un interdit tellement ridicule et surtout humiliant pour les femmes que Sara Najafi, une compositrice de Téhéran, a décidé d’en prendre le contre-pied. Déterminée depuis la révolution de 2009, elle met corps et âme dans son projet. Mais elle affronte de nombreux obstacles, et non des moindres avant d'y arriver.

La première mission de Sara est de convaincre. Les chanteuses qui vont l'accompagner d'abord, et surtout le père de l'une d'entre elles, les Françaises de poser leur voix sur le répertoire perse d'avant la révolution islamique. Mais aussi la jeune Tunisienne rebelle qui s'est fait connaître lors de la révolution anti Ben Ali en 2011 du caractère subversif du projet, et quelques musiciens de Paris et Téhéran pour les accompagner. Mais ça, c'est finalement la partie la plus facile. 

Les difficultés commencent surtout quand Sara se met à défier le pouvoir de la censure. Elle se rend en caméra cachée sous son habit long et noir la recouvrant de la tête au pied au Ministère de la culture et de la guidance islamique. Elle y retournera au moins 5 fois pour essayer de décrocher une autorisation pour son concert pour femmes. Des religieux expriment leurs doutes et quasi mépris car "les femmes quand elles chantent, séduisent les hommes et aucun homme digne de se nom ne peut se laisser pervertir". Un jeu d'hypocrisie morale total mais révélateur des absurdités du régime.

La réalisatrice ne fait pas que dénoncer, elle rend aussi hommage aux chanteuses des cabarets qui animaient les soirées des années d'avant la révolution islamique. On découvre alors des images de celle qui dans les années 1960 osait chanter dans une robe près du corps, un petit verre d'alcool à la main. Ou encore celle surnommée "la reine de la musique persane" qui chantait sans voile au Grand Hôtel de Téhéran dans les années 1920.
Ayat Najafi balade sa caméra avec beaucoup de pudeur mais fait vivre au plus près toutes les émotions des actrices, de l'espoir aux déceptions, au bonheur infini du concert final, envoûtant.

En résumé : No land's Song déroute, émeut, et nous rappelle à quel point ce qui paraît si évident pour les uns est un réel combat pour les autres.




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