jeudi 6 février 2014

[Critique] La Voleuse de livres : Quand la poésie fait face à la violence (05/02/14)

LA VOLEUSE DE LIVRES

De Brian Percival
Avec Geoffrey Rush, Emily Watson, Sophie Nélisse

Sortie le 5 février 2014


À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la jeune Liesel, 12 ans, est obligée de quitter sa mère car celle-ci est communiste. Elle est envoyée à Molching (une ville fictive en Allemagne) dans une famille d'adoption trouvée par la Croix Rouge. Elle fait la connaissance de Hans, facétieux joueur d'accordéon, et de son épouse Rosa, loin d'être un modèle de gaieté et de compassion. Encore sous le choc de la perte de son petit frère, mort pendant le voyage, Liesel a du mal à trouver sa place dans ce nouveau foyer. Et à l'école, elle est traitée de "dummkopf" (idiote) parce qu'elle n'a pas appris à lire. Heureusement, pour la soutenir, il y a le jeune Rudy, un blondinet aux rêves de course aux Jeux olympiques. Avec l'aide de Hans, Liesel va tout faire pour combler son ignorance. Elle déchiffre avec lui son premier livre (le manuel du parfait fossoyeur), qu'elle a volé lors de l'enterrement de son frère. Marquée par sa première lecture, elle ne pourra ensuite s'empêcher de subtiliser d'autres ouvrages. Sa chance, elle la trouvera auprès de la femme d'un militaire hitlérien, dont la bibliothèque est une sorte de paradis pour la jeune fille. Et aussi un bon moyen d'occuper Max, un jeune réfugié juif que la famille cache dans sa cave. Mais la guerre éclate… et les livres deviennent un échappatoire aux horreurs des combats.


«  Les choses ne prennent vie que lorsqu'on les nomme  »


© 20th Century Fox
La Voleuse de livre est l'adaptation du célèbre roman éponymes, écrit par l'Australien Markus Zusak, en 2005. Rares sont les films qui racontent la guerre du côté des Allemands, et celui de Brian Percival (Downton Abbey) fait office de récit initiatique à but éducatif. Si certains mouflets rechignent à lire, ils pourraient ainsi apprendre que la culture n'est pas une évidence pour tout le monde, et qu'elle peut être une arme destructrice contre toutes les dictatures. C'est par l'éducation que le peuple peut apprendre à réfléchir par lui-même et s'ériger contre toute forme de totalitarisme. Et Hitler l'avait bien compris en organisant des autodafés contre les livres et tableaux du pays durant sa prise de pouvoir. Et pourtant, ce sont bien les livres qui vont sauver la vie de cette jeune orpheline.

© 20th Century Fox Si La Voleuse de livres n'hésite pas à évoquer les atrocités du régime sanguinaire hitlérien, l'embrigadement de la jeunesse et les discours antisémites de propagande, elle le fait en toute superficialité. Tout n'est que suggestion, à quelques exceptions près (l'abandon d'une fille par sa mère, un père arraché à son fils pour aller au front, ou l'enrôlement des plus performants vers un camps d'entraînement...). Le tout avec une caméra en retrait pour ne pas choquer avec des images crues ou les suggérer en hors-champ.  Du coup, l'ensemble oscille entre la dureté de son sujet et le public auquel il s'adresse. Mais le résultat est honnête.
© 20th Century Fox
Ce qui l'est moins en revanche, ce sont les décors parfois un peu factices, invitant parfois le spectateur à penser à autre chose. Une voix-off campant la Mort elle-même était une riche idée sur le papier. Mais ses traits d'esprit finalement allège de trop ses propos, faisant d'elle un clown bien mal placé, et finalement mal utilisé et donc presque inutile. Dommage !
© Fox DeutschlandMais le pire est le parti pris du réalisateur de faire parler les acteurs en anglais avec un fort accent allemand, pas toujours bien exécuté, tout en introduisant des mots de la langue de Goethe sans raison apparente. C'est un peu exaspérant. Si l'ensemble incite à l'émotion, le rendu finit par manquer d'émotions réelles. Et pourtant, la direction d'acteurs est impeccable. Leurs prestations sont parfaites. Geoffrey Rush est un père avec son air rieur est admirable, Emily Watson n'est finalement pas si sévère qu'elle prétend l'être et la jeune Sophie Nélisse, incarnant Liesel, est épatante pour son âge. Sûrement un talent à suivre à l'avenir.

En résumé : Le film offre une jolie vision des livres comme source d'évasion et de connaissance dans un contexte dramatique. Il est parfait pour un premier pas vers l'apprentissage de cette période tourmentée de l'Histoire.

Messages les plus consultés