samedi 5 mai 2012

[Critique] Tyrannosaur : tant qu'il y a de l'espoir… (25/04/12)


TYRANNOSAUR

De Paddy Considine
Avec Peter Mullan, Olivia Coleman, Eddie Marsan…

Sortie le 25 avril 2012

Le cinéma anglais est connu pour ses œuvres sociales. Entre Ken Loach et son réalisme didactique (My Name is Joe, Bread and roses...) et Mike Leigh et son réalisme émotionnel (Be Happy, Another Year...), il y a Paddy Considine. Le réalisateur livre avec Tyrannosaur un grand film, aux accents de réalisme misérabiliste accablant. Il explore les ravages que font l'alcoolisme et la violence pour mieux démontrer la pauvreté sentimentale comme point de départ et non comme contexte.
Second rôle remarqué dans Hot Fuzz,  La Vengeance dans la peau ou In America, Paddy Considine est passé derrière la caméra pour ce premier-long métrage inspiré de son court, Dog Altogether, où jouaient déjà Peter Mullan et Olivia Coleman. Une histoire d'amour entre deux écorchés de la vie qui promet une issue pleine d'espoir malgré une situation inextricable.

Dans une banlieue de Glasgow, Joseph (Peter Mullan) se bat avec lui-même depuis la mort de sa femme. Il noie ses tourments dans l'alcool et s'exprime par la violence. A la suite d'une altercation avec des Pakistanais (où il déverse une haine indicible) il se réfugie dans un magasin, où travaille Hannah (Olivia Coleman), une commerçante à la foi en Dieu inépuisable. Celle-ci voyant la détresse de cet intrus, décide de prier pour lui et de le réconforter. Mais derrière son apparente sérénité se cache un lourd fardeau. Chacun, plus en colère encore qu'il n'en a l'air, ça apprendre à s'apprivoiser et à se protéger l'un l'autre. Elle a autant besoin de lui que lui d'elle...

Une histoire qui sent la sueur, le houblon et les coups de poing... menant à la rédemption


Une grande histoire ne tient parfois pas à grand chose. Pas besoin de millions de dollars pour faire d'une histoire humaine, aussi douloureuse soit-elle, pour faire un film effrayant, fascinant et finalement apaisant. Car Considine est foncièrement humaniste. On pouvait craindre le pire en lisant l'histoire, imaginer le voyeurisme poussé vers le chantage à l'émotion, à base de gros plans chargés de larmes ou de cris. Mais Considine est plus subtile que cela. Il cherche davantage à témoigner qu'à convaincre. Il montre des personnages dont la tête est à moitié sous l'eau, mais qui se raccrochent à tout ce qu'ils peuvent pour s'en sortir. Pourtant, rien ne leur est épargné : un petit voisin maltraité et son beau-père bagarreur, un mari brutal, la maladie qui emporte le seul qui compte... Le rapport à la vie de Joseph et Hannah est complètement perverti par la tristesse et l'amertume, mais ils se sauvent mutuellement dans une dimension chrétienne en prenant le chemin de la souffrance, de la compassion pour atteindre la rédemption.

Les personnages de Joseph et Hannah sont a priori peu aimables, voire détestables, et pourtant leur humanité est bien plus frappantes que celle de toutes les meilleures comédies sentimentales. Car Considine les a construit avec une véritable richesse intérieure cachée sous une tonne de névroses, qui s'allègent à mesure que leur besoin humain de contacts (pas forcément physiques), de tendresse, de dialogue et de compassion est satisfait. Point d'amour à proprement parler, mais une présence, un réconfort qui éloigne cette douleur bestiale qui les brûle à petit feu. Peter Mullan qui porte littéralement le film est à couper le souffle dans le rôle de cet homme brisé. Voilà ce qu'on appelle une vraie "gueule cassée" du cinéma... du grand art ! Quant à Olivia Coleman, une véritable révélation.

En résumé : Une grosse claque qui revient nous hanter comme une gueule de bois qui ne veut pas nous lâcher ! Une grande performance pour un film coup de poing, bouleversant par le jeu des comédiens et par l'optimisme dans la tragédie. Un premier long qui j'espère ne sera pas le dernier.


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