Les avocats et le monde judiciaire sont depuis longtemps un des sujets préférés du grand écran. Et pourtant... Personne n'avait encore jamais vu un avocat comme Mike Haller, héros de L'affaire Lincoln, adaptation du roman Michael Connelly (célèbre auteur de best-sellers policiers) réalisée par Brad Furman (The Take).
Avocat de la défense, Mikea pour bureau la banquette arrière de sa Lincoln Continental (voiture préférée de Kennedy et Roosevelt) avec son chauffeur qui le conduit de tribunal en tribunal pour défendre de petits délinquants.
Rencontre avec le ténor rusé du barreau de L.A. : Matthew McConaughey.
Ce n’est pas la première fois que vous jouez le rôle d’un avocat…
C’est la 3e fois… Il y a eu Amistad et Time to kill (Le Droit de tuer, en français)…
Jake dans Time to kill fait le même boulot que Mike, mais Jake venait d’une petite ville et il était très idéaliste. Amistad était une biographie historique, ce qui implique plus de références à l’histoire et des faits précis, qui se sont réellement passés. En tant qu’avocat, Mike Haller est sûrement plus proche de Jake, mais pas dans le sens idéaliste, il est bien plus pragmatique. Il est plus âgé, il a plus d’expérience, il a défendu durant toutes ces années plus d’affaires, plus de gens véreux et crapuleux car c’est le monde dans lequel il vit. Il est plus réaliste, et il sait comment fonctionne le système, et il en use et abuse. Mais dans la salle d’audience, c’est comme être sur une scène. Etre avocat demande une gestuelle très théâtrale pour exprimer des oppositions telles que l’innocence, la culpabilité, le Bien, le Mal, la vérité, la justice… C’est une belle scène pour montrer ce qu’est la vie.
L’acteur n’est-il pas l’avocat de son propre personnage ?
Les avocats sont des acteurs. Certains sont bons, même excellents. J’en ai aussi vu des exécrables (rires). J’en ai vu un dont l’affaire semblait gagnée, et il a appelé son témoin principal, qu’il défendait (il a appelé son Roulet (alias Ryan Philippe) à la barre), ce qui n’est pas recommandé à moins d’être vraiment sûr de soi (rires). Et cette personne y est allée et à tout fait foirer. Quoique vous disiez et la façon dont vous le dites, le jury perçoit tout, et il n’avait pas cru un mot de ce gars. Et si cet avocat n’avait pas appelé ce témoin à la barre, il aurait gagné. C’était une piètre performance. Il a perdu. J’en ai vu aussi gagner des affaires. Parfois, vous pouvez sentir qu’un avocat en fait des caisses pour rien, et qu’il vous manipule. Comme dans les films, parfois on n’y croit pas. Et parfois il est tellement bon manipulateur qu’on ne le voit pas. Et c’est là qu’il est le meilleur, qu’il gagne. C’est évident que les avocats sont des acteurs.
Vous deviez être avocat. Qu’est-ce qui vous plaît dans ce métier ?

L’affaire Lincoln : thriller ou film judiciaire ?
C’est plutôt un thriller judiciaire. Quand on dit justice, on pense salle d’audience. Quant on parle de thriller, on pense que la vérité est quelque part cachée et qu’il va falloir de l’action, que des choses se passent pour que la vérité éclate. Et ne pas rester coincer dans une salle d’audience. Et il n’y a pas tant de scènes d’audience que ça d’ailleurs dans le film.
Je l’aime bien. Et ce n’est pas mon rôle de juger mes personnages, quelque soient les rôles que j’aie à jouer. Je pense qu’Haller est amoral, véreux, il trompe le système à son profit, il contourne les règles à son avantage, il est même un outsider hors-la-loi. Mais il a le sens de la justice. Si on se pose la question de savoir où le placer entre les bons et les méchants, il est évidemment du côté des gentils. Il croit en ce qu’il fait et parfois, il a besoin de contourner les règles pour appuyer ce en quoi il croit.
Voilà un film qui n’est pas commun…
Qu'est-ce que ce film a de particulier ?
Des scripts comme ça sont rares. Des films de ce genre, des classiques avec des audiences, un peu de thriller, on en faisait il y a 15-20 ans. Et même bien avant. Et c’est rare maintenant d’en trouver qui parlent aux « vrais gens » de véritables gens qui ont des histoires difficiles et leurs conséquences. Il n’y a pas de marques derrière ce film, de lien avec une bande dessinée. Ce n’est pas un concept nouveau. Vous n’avez pas vu l’histoire auparavant, mais vous avez la sensation d’avoir déjà été dans une salle d’audience et été témoin d’une affaire. Mais le film a modernité très « pop » puisqu’il se passe dans le centre-ville de Los Angeles, que le personnage principal ait son bureau dans une Lincoln Continental. Et cela donne une sorte de mouvement à tout cela, tandis que lorsqu’on voit les autres drames judicaires, on pense immobilisme. Mon personnage dès le début est en perpétuel mouvement avec la voiture qui roule. C’en est même le point de départ. Mike n’est jamais immobile. Il passe d’affaire en affaire grâce à sa voiture, il met son masque de poker pour prétendre qu’il sait ce qu’il fait devant les autres alors qu’il ne l’est pas…
Qu’est-ce qui vous a poussé à accepter ce rôle ?

Propos recueillis par Audrey, traduits par Marie