samedi 21 juillet 2012

Critique : Jane Eyre : un classique sauce gothique (25/07/12)

JANE EYRE

De Cary Fukunaga
Avec Mia Wasikowska, Michael Fassbender, Judi Dench, Jamie Bell…
Sortie 25 juillet 2012

Durant nos années collège, on est tous passé par la lecture quasi inévitable du roman de Charlotte Brontë, Jane Eyre. En tant que classiques, cette oeuvre a eu droit à de nombreuses adaptations cinématographiques et miniséries, plus ou moins réussies puisque le livre est libre de droits. La plupart d'entre eux étaient d'ailleurs retraçaient une romance désuète alourdie de convenances victoriennes, corsetée d'un charme suranné et d'un académisme sans imagination. Mais c'était sans compter le dépoussiérage efficace de Cary Fukunaga qui, avec Jane Eyre version 2012 voit les amours d'une préceptrice avec son employeur prendre un coup de jeune tout en respectant les écrits.



Pour ceux qui auraient sécher les cours de Français ou d'Anglais...

Jane Eyre raconte l'histoire d'une jeune femme orpheline (Mia Wasikowska) qui se fait embaucher comme gouvernante auprès d'une enfant recueillie par Lord Edward Rochester (Michael Fassbender). Et pourtant, tout n'avait pas bien commencé pour elle. Rejetée par sa tante et maltraitée par son cousin, elle fait son éducation dans un pensionnat où elle ne connaît que coups de bâton et humiliations. C'est auprès du ténébreux Rochester qu'elle va découvrir de nouveaux sentiments, contradictoires et interdits jusqu'alors...


Cary Fukunaga n'a pas souhaité trop s'éloigner du texte initial et prend la liberté de le moderniser en déstructurant la chronologie des évènements. A coups de flash-backs et de coupes franches, elle casse l'ennui de la linéarité du récit archi connu de tous. Le réalisateur du fabuleux et déconcertant Sin Nombre ajoute une patte stylistique accrocheuse. Tous les sentiments des personnages, plus songeurs qu'à l'accoutumée, se voient mis en images, le paysage se conjuguant avec leurs pensées. 
Le réalisateur a fait le choix d'une ambiance gothique, faisant planer parfois des allures de films d'horreur (à grand renfort de manoir sombre et de forêts lugubres, d'éclairs tonitruants, de bruits d'escaliers grinçants, de portes qui claquent...) donnant une certaine poésie à l'image. Les images imposantes et leurs cadres cadrées au millimètre font écho aux grands maîtres anglais. Elles créent une certaine tension, une prose dramatique, loin des approches théâtrales jusque là éculées. Et pour autant, le réalisateur n'en oublie pas la réalité sociale de l'époque. La photographie assurée par Adriano Goldman est sublime, renforçant l'émotion d'un couple à l'écran inédit (et peu banal) formé par Mia Wasikowska et Michael Fassbender.



Ceux qui n'auraient pas envie d'aller voir ce film pourraient être attirés par ces deux acteurs en vogue, d'une classe folle (et sexy en diable), parfaits dans leur rôle respectif. Fassbender, dont le talent n'est plus à prouver, fait ici froid dans le dos dans un premier temps, sorte de croisement entre Maxim de Winter (inventé par l'écrivaine Daphne du Maurier) et un cousin éloigné du comte Dracula. Le rôle de Rochester semble avoir été écrit pour lui. Fascinant et envoûtant dans une intensité mesurée. Recherchant à la fois de l'affection et désirant conserver un certain contrôle, l'acteur britannique joue sur le même registre que sa partenaire féminine. Peut-être avec plus de passion humaine, innée. 
Certains diront que le tout manque de fougue mais c'est justement dans la retenue et l’ambiguïté de ce qu'il exprime face à Jane Eyre qu'il est le plus brillant. Quant à Wasikowska, elle offre un portrait habile de son personnage tourmenté, tout en subtilité. Un rôle extrêmement difficile, d'autant plus lorsqu'on a 21 ans, qu'elle interprète avec brio. On n'oubliera pas non plus de citer les excellentes performances de Judi Dench en maîtresse du château et de Jamie Bell en pasteur accueillant et éconduit par la belle orpheline.


En résumé : S'il était difficile d'imaginer une nième adaptation de Jane Eyre sans penser crinoline et naphtaline, Cary Fukunaga nous a fait mentir. Cette nouvelle version est l'une des plus touchantes et enivrantes depuis la naissance du roman.


Messages les plus consultés