NOÉ
De Darren Aronofsky
Avec Russel Crowe, Jennifer Connelly, Emma Watson, Ray Winstone, Logan Lerman, Anthony Hopkins, Stephen Booth…
Sortie le 9 avril 2014
Descendant de Seth, 3e fils d'Adam et Eve, Noé vit avec sa famille, éloigné des autres hommes. Une nuit, le Créateur lui envoie un message dans son sommeil : il va détruire le monde tel qu'il est pour en rebâtir un nouveau. Il confie à Noé la difficile mission de construire une arche pour sauver "les innocents" qui habitent sur Terre, à savoir, les animaux. Dérouté, Noé va retrouver son grand père, Mathusalem pour lui demander conseil. Sur le chemin, il recueille une jeune orpheline et tombent face aux Veilleurs, anges déchus transformés en monstres de pierre par le Créateur après qu'ils ont aidé Adam et Eve chassés de l'Eden. Malgré leur réticences, ils aideront Noé à construire son arche et jouer les gardes du corps contre les hommes qui veulent se l'accaparer.
Le réalisateur de Requiem for a dream et Black Swan savait en s'engageant que la tâche ne serait pas facile. Tant pour le sujet religieux, qui soulève évidemment les passions des fondamentalistes chrétiens, mais aussi musulmans, pour qui représenter un prophète est contraire au Coran, que pour son traitement. Aronofsky a choisir de couper la poire en deux, entre grosse machine hollywoodienne et message de fond pas si dilué, porté par des images fortes et travaillées.
Et pour y arriver, il ne fait pas les choses à moitié. Il suit tous les codes du blockbuster : des moyens colossaux (125 millions de dollars), un casting solide, des effets spéciaux incroyables, des scènes de bataille gigantesques, des paysages sublimes venus d'Islande…
Et pourtant, le cinéaste a su insuffler ce
petit supplément audacieux quasi iconoclaste qui le caractérise. S'il est fidèle à la Bible (à quelques détails près… et pas toujours judicieux), il ne
rentre pas dans le formatage du péplum parfois rasoir
grâce à des éléments surnaturels, de quasi
heroic fantasy. Certains crieront au blasphème, d'autres diront que cela permet de ne pas enliser le récit dans du trop classique. Ainsi
les géants de pierre feront sourire à leur arrivée sur l'écran, puis tiendront leur place sous la résignation progressive du public. D'autres moments prêteront à soulever les zygomatiques : un fils obsédé par le fait de trouver une femme prend des airs d'ado en rut qui a peur ne de jamais voir le loup, une femme inféconde qui par magie du grand-père conçoit des jumelles, une colombe en gros plan portant le célèbre rameau d'olivier symbole d'une terre retrouvée… Mouais… On les oubliera comme le message écolo, qui veut que chaque animal soit sacré et que chaque fibre végétale doit être protégée… Allons, soyons indulgents ! Mais faut-il rappeler que
Noé n'est qu'une adaptation, et la vision d'un seul réalisateur, et que
les écritures saintes ont autant de versions que de lecteurs ? Finalement, l'important n'est pas là.
Noé est un
film divertissant, qui soulève quelques questions existentielles. Aronofsky nous invite à r
éfléchir sur la condition humaine,
sans donner de leçon de moral. A chacun de penser librement en voyant toutes les cartes posées sur la table. Le Bien ne l'est peut-être pas tant que ça, et le Mal a ses raisons d'être. L'histoire de
l'homme n'est pas tout blanc ou tout noir. D'autant plus lorsqu'il est question de survie. Ainsi, Noé, guidé par la toute puissance du Ciel et ses croyances, finit par être aveugler et perdre la raison et ses sentiments. Quant à Tubal-Cain, chef des hommes impénitents et punissables, a finalement une réaction digne d'un humain et d'humaniste.
À chacun sa part de monstruosité, et sa volonté de tout sacrifier pour réussir.
Et Russel Crowe incarne cette solidité à toute épreuve, avec tout de même un poil de monotonie dans la voix et dans les expressions. Et pourtant, une incroyable force et détermination se dégage de lui.
Ma préférence ira pour une fois à la prestation d'Emma Watson (qui retrouve Logan Lerman après
Le Monde de Charlie ). Fragile mais pas mielleuse, elle m'a littéralement attrapée dans l'une des scènes les plus terribles du film, à l'apogée du dilemme auquel fait face Noé. Je n'en dirai pas plus…
En résumé : Aronosky donne une dimension réaliste à une histoire dense et apocalyptique, avec une élégance esthétique remarquable.