THE DANISH GIRL
De Tom HooperAvec Eddie Redmayne, Alicia Vikander, Amber Heard, Ben Wishaw, Matthias Schoenaerts...
Sortie : 20 janvier 2016
Copenhague, dans les années 1920. Einar Wegener est un artiste peintre paysagiste danois renommé, vivant avec sa femme Gerda, elle-même portraitiste mondaine, mais boudée par les galeristes. Peu importe. Ils s'aiment d'amour véritable, voire fusionnel, faisant de leur union une symbiose professionnelle et personnelle totale. Jusqu'au jour où, Gerda, pressée de finir un tableau demande à Einar de remplacer son modèle : une ballerine. L'expérience s'avère des plus troublantes pour le jeune homme, qui prend peu à peu conscience qu'il se sent plus femme qu'homme. Il se travestit et devient alors Lili. Tandis qu'il s'approprie son identité petit à petit, Gerda l'accepte tel qu'il/elle est et en fait sa muse. Elle devient la nouvelle artiste à succès. Mais c'est sans compter la désapprobation de la société danoise. Ils partent vivre à Paris où le couple évolue, se transforme, et va partager l'une des épreuves les plus difficiles : l'opération chirurgicale de réattribution sexuelle, pour que Lili soit elle-même, corps et esprit.
Il serait bien maladroit de résumer The Danish Girl simplement par l'exploit médical pionnier par lequel Lili est "devenue pleinement femme". Il parle d'un sujet rarement traité au cinéma mais avec des thèmes universels : les revers de la vie et la possibilité de les surpasser à deux, mais aussi des blocages qui nous empêchent d'être le meilleur de nous-mêmes et la façon qu'on a de les faire voler en éclat. Le scénario de Lucinda Coxon est empli de bonté, d'espoir, de sensibilité et aussi de dureté dans ce combat sans tomber dans le larmoiement.
Le film s'attarde davantage sur les atermoiements et les réminiscences d'un homme qui finalement n'a jamais été bien dans son corps. Mais il fait surtout la part belle au dévouement et à l'abnégation de sa femme qui accepte tout par amour et accompagne son mari/âme sœur dans toutes ses épreuves. Car s'il est bien un personnage fort et bouleversant, c'est celui de Gerda. Alicia Vikander (Ex Machina, Royal Affair...), femme-enfant, mutine et fatale à la fois, incarne l'artiste avec une sobriété attachante. Tour à tour déboussolée et solide comme un roc, elle n'a d'yeux pour celui dont elle doit faire le deuil. Sa vie bascule, et pourtant, elle fait tout pour sauver la vie de celui qui est plus qu'un partenaire de vie. Son duo avec Eddie Reydmane paraît être une évidence. L'alchimie fonctionne à merveille. Le reste du casting n'en démérite pas moins : Matthias Schoenaerts, Ben Wishaw et Amber Heard apparaissent peu longtemps à l'écran mais dévoilent des personnages à la fois majestueux et à fleur de peau.
C'est avec une mise en scène classique, voire académique, que Tom Hooper (Les Misérables) adaptée roman de David Elbershoff, traduit en 20 langues. Avec un tel sujet, le réalisateur n'a pas pris le risque de choquer la société bien-pensante avec une forme criarde et impertinente. Les décors, intérieurs comme extérieurs, sont traités comme des tableaux, tels les paysages évanescents. Mais si les décors chics et les costumes d'époque ne froisseront aucun œil, l'interprétation d'Eddie Redmayne, bouleversant au début de sa transformation, risque d'en agacer plus d'un au bout d'une heure (si ce n'est avant...). L'acteur, oscarisé pour son rôle de Stephen Hopkins dans Une merveilleuse histoire du temps l'année dernière, est pétri de mimiques sur-jouées et minaude à tout bout de champ. Pourtant, il nous surprend dès le début par sa délicatesse, sa gestuelle féminine quasi naturelle et sa beauté androgyne parfaite pour ce rôle. Mais trop, c'est trop ! Il tombe dans une mièvrerie ennuyeuse et pleurnicharde. Mal dirigé ? Trop personnellement bousculé par ce trouble identitaire ? Si je ne l'appréciais pas autant, je dirais que c'est du gâchis...
En résumé : une histoire d'amour unique et extra-ordinaire, dans laquelle on s'attache à tous les personnages. Une mention spéciale à Alicia Vikander qui, assurément, devient une actrice incontournable. Et bientôt Oscarisée ? On lui souhaite.