ATTILA MARCEL
De Sylvain Chomet
Avec Guillaume Gouix, Anne Le Ny, Hélène Vincent, Bernadette Lafont, Luis Rego, Jean-Claude Dreyfus…
Sortie le 30 octobre 2013
Sortie le 30 octobre 2013
Paul est un trentenaire vivant avec ses deux tantes, vieilles aristocrates qui l'ont élevé (et l'étouffent) depuis la mort accidentelle de ses parents. Depuis ce traumatisme auquel il a assisté, Paul est muet, et sa vie se résume à un train-train quotidien peu réjouissant : accompagner au piano ses tantes lorsqu'elles donnent leurs cours de danse, jouer toujours la même ritournelle sur le demi-queue installé dans le salon, manger des chouquettes par dizaines. Totalement isolé de la "vraie" vie, il se traîne dans sa vie comme un escargot sur une feuille de salade. Jusqu'au jour où, lors d'une échappée, il fait la connaissance de l'excentrique Mme Proust, sa voisine du 4e étage. Jardinière à ses heures perdues, elle prépare des décoctions aux vertus étranges accompagnées de madeleine, qui ont le don de faire ressurgir les souvenirs lorsqu'elles sont accompagnées de musique. Grâce à elle, Paul va faire le voyage dans ses souvenirs au détour de mini-siestes imposées et faire sauter le verrou de la porte qui mène à une vie plus épanouie...
Si les films français n'ont pas beaucoup de place sur ce blog, il y a des exceptions qui en valent la peine. Attila Marcel en fait partie. Et c'est avec un grand plaisir, car cette jolie fable est infiniment tendre, originale et attachante pour de nombreuses raisons.
Tout d'abord, il marque un tournant dans la carrière de Sylvain Chomet qui passe de l'animation (Les Triplettes de Belleville, L'illusionniste) à un long-métrage avec des comédiens en chair et en os. Une expérience qu'il avait touché du doigt en réalisant un des courts de 5 minutes pour le film Paris, je t'aime, il y a 7 ans. "Ecrit sans storyboard mais comme une musique à trois temps, le film s'est construit autour des dialogues et d'échanges avec les acteurs", quasi sans partition, explique le réalisateur. Car Guillaume est très bavard des yeux (rires). Il a presque écrit le rôle tout seul. Pendant les répétitions, il proposait beaucoup d'idées et finalement, on a tout gardé. On a placé la caméra à l'intérieur des fantasmes de Paul et on a concentré les images que sur les acteurs.
Attila Marcel bénéficie de cette longue expérience dans l'animation avec des plans, des cadres, et des scènes purement visuelles, quasi cartoonesques, et cette folie douce, avec l'entrée d'éléments totalement incongrus dans l'histoire. Et souvent pour le bien du récit, comme par exemple, lorsque la Mort est dans les parages. Le résultat éloigne tout explication plaintive et tombant dans le pathos inutile. Sans oublier des moments de grâce et de poésie pure avec cette scène de danse sur un ring de catch, où les parents de Paul mélangent mouvements d'une douceur amoureuse et d'une violence maîtrisée. Sylvain Chomet raconte que pour cette scène, Guillaume Gouix lui a demandé à ce que je rencontre sa copine pour lui faire passer une audition. "Sur le moment, je me suis dit qu'il était gonflé d'essayer de caser sa copine, en rigole-t-il aujourd'hui. Et en même temps, ensemble, ils avaient tout. Ils ont l'habitude de faire du rock acrobatique ensemble, ils sont super enthousiastes ont cette même fraîcheur comme sur scène."
Au-delà du visuel, le réalisateur nous plonge dans un univers aux personnages étranges, décalés et hors du temps, où l'interprétation des acteurs nous embarque sans résistance. Guillaume Gouix (vue récemment dans la fiction de Canal+ Les Revenants) est impressionnant. Avec ses yeux ronds, sa bouille de premier de classe, et son air d'enfant timide, il fascine et nous fait partager son passé sans décrocher un mot de tout le film (sauf quand il joue le rôle du père de Paul). Mutique mais hypnotique, tel un Charlie Chaplin (en moins clown) ou un Buster Keaton. Les deux tantes, réjouissantes (même si parfois un peu too much) apportent une touche légèrement flippante dans le monde de Paul, hyper cadré et restreint. Je vous laisse juge du degré d'étrangeté...
Reste la prestation d'Anne Le Ny, fabuleuse en baba cool joueuse de ukulélé, fan de jardinage expérimental. Tellement épatante, qu'elle en arriverait presque à éclipser ses petits camarades. "Le rôle était prévu pour Yolande Moreau au départ, explique Sylvain Chomet. L'idée du potager dans l'appartement vient d'elle car elle est très terrienne." Finalement, cela ne s'est pas fait... pour notre plus grand plaisir de la revoir depuis son rôle dans Intouchables. " Mais Anne a été parfaite. On a eu juste un petit soucis lorsqu'il a fallu qu'elle touche la terre du jardin : elle devait prendre les légumes pour les donner à Guillaume. C'est la seule chose qu'elle ne voulait pas faire. Elle doit avoir un truc avec la terre car dès qu'elle la touchait, elle se lavait les mains plutôt que de les frotter et les essuyer comme l'aurait fait Yolande. Alors Il a fallu que je l'impose", se souvient le réalisateur en riant.
En résumé : Si quelques maladresses dans le rythme sont sans doute le résultat d'un manque d'expérience, l'ensemble fait passer un vrai bon moment, délicieusement nostalgique, où l'on retrouve l'univers de Chomet (et ses thèmes fétiches) tout en couleurs et en musique. Petite mise en garde : attention de ne pas passer par une boulangerie en rentrant du cinéma, vous risqueriez de dévaliser le rayon chouquettes et madeleines ! ;)
Un petit supplément :
Si vous voulez retrouver l'univers d'Attila Marcel après la projection, une application éponyme pour tablettes et mobiles a été créée, servant de making-of. Elle offre un point de vue original et ludique sur le film : des mini-jeux (addictifs), des bonus à débloquer en explorant les décors, des objets à rechercher, des challenges à relever, et toute une ribambelle d'interviews, vidéos, anecdotes de tournage... Vous ne pourrez plus vous passez du ukulélé si cher à Mme Proust !