jeudi 17 octobre 2013

[Critique] : Prince of Texas : Une errance poétique et troublante (23/10/13)

PRINCE OF TEXAS


De David Gordon Green
Avec Paul Rudd, Emile Hirsch…

Sortie le 23 octobre 2013

Alvin et son beau-frère Lance effectuent des travaux de voiries au fin fond du Texas, ravagé par un énorme incendie l'année précédente. Leur journée se résume à marcher des kilomètres pour marquer la route à la peinture, dormir sous la tente en mode collé-serré, ramasser leur barda pour s'installer plus loin et croiser parfois un de leur collègue ravi de partager une bouteille. Mais ce rythme ne convient pas au jeune Lance, inconséquent et avide de nouvelles conquêtes et autres activités plus étourdissantes que de vivre en complète harmonie avec la nature. Seul Alvin, responsable et posé, pense que cet isolement est bénéfique dans leur parcours d'hommes. Lui, aime la solitude; il s'est éloigné de sa compagne pour réfléchir à son couple et le renforcer. Ces esprits si différents ne vont pas pourtant pas tarder à s'harmoniser...



Le premier mot qui vient à l'esprit lorsqu'on voit Prince of Texas est déroutant. David Gordon Green emmène le spectateur dans une quête de soi quasi onirique dans un remake d'un film islandais (inédit en France). On suit les personnages, des losers patentés et aussi perdus l'un que l'autre, sans trop savoir où ils nous emmènent, si leurs pérégrinations mentales vont aboutir à une conclusion possible et qui leur est favorable. Et finalement, cette imprévisibilité engendre une certaine beauté dans ce décor presque apocalyptique, noirci par les flammes. Déroutant car il ne se passe pas vraiment grand chose, mais chacun avec leurs préoccupations, Alvin et Lance finissent par se convaincre l'un l'autre, et manipulent habilement le public. La force du réalisateur : rendre très humain un film en ne s'appuyant que sur une atmosphère de fin du monde, des dialogues ciselés, et des caractères opposés croqués et interprétés avec talent. Paul Rudd est méconnaissable. Loin de ses comédies habituelles (un peu ras des pâquerettes), il affirme dans Prince of Texas une réelle aptitude pour le drame sans tomber dans l'excès. On finit par se prendre d'amitié pour ces types cherchant à trouver le vrai sens de la vie, de leur masculinité et de leur avenir.

Certains resteront peut-être sur le bas-côté à force de digressions dans le récit, et de prise de position dans le genre, jouant tour à tour sur plusieurs tons : comique (grinçant), la romance brisée, la "romance" entre frères, le fantasmagorique, l'étrange et le contemplatif. Mais ce face-à-face finit par prendre de l'épaisseur et faire sens quand on fait état de l'ensemble de l'histoire. Celle-ci est parsemée de belles incursions poétiques, touchent au plus profond de l'humain. Comme cette rencontre incroyable d'une femme revenue sur les ruines de sa maison partie en fumée, recherchant la preuve qu'elle a été pilote d'avion. Un moment fort emprunt d'émotions et de gravité poignante. Ou Alvin rejouant une scène de vie quotidienne dans cette maison même maison qui n'est plus que souvenir. Un moment de grâce qui aurait pu sans doute en amener d'autres... David Gordon Green prend le temps de filmer la nature, dans toute sa beauté mais aussi sa cruauté, empruntant la formule à Terence Malick.


En résumé : Prince of Texas est une expérience de cinéma un peu "extrême" qui laissera les moins sensibles hermétiques à la magie qu'il dégage. Mélancolique mais pas triste, il évoque la renaissance de deux hommes qui reprennent les rennes de leur vie, comme la nature reprend ses droits après les incendies. 


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