De Paul Greengrass
Avec Tom Hanks, Barkhad Abdi, Faysal Ahmed...
Sortie le 20 novembre 2013
Mars 2009. Comme à son habitude, Richard Phillips se prépare à partir de longues semaines en mission en tant que capitaine de marine marchande. Il quitte son foyer avec le cœur lourd mais le sens du devoir à venir, même après tant d'années passées en mer. Début avril, son navire est la proie d'une bande de pirates somaliens prêts à en découdre par les armes. Pris en otage avec son équipage, puis seul, il fera son possible pour garder son calme et ses assaillants à distance, sans pour autant oublier qu'ils sont de simples hommes... comme lui.
Capitaine Phillips n'est pas un film d'action de plus parmi d'autres. Le cinéma de Paul Greengrass est celui du réel et de l'intelligence sous ses faux airs de metteur en scène de blockbusters (Jason Bourne). Ancien documentariste, il sait où et quand poser la caméra, souvent énervée, pour rendre une esthétique hyper réaliste et immersive. Et son dernier film n'y coupe pas ! Et ce même pas en jouant sur l'étiquette "histoire vraie" (qui n'est mentionnée qu'au générique de fin). Caméra à l'épaule, gros plans sur les visages, pas d'effets pyrotechniques, ni de pirouettes scénaristiques qui pourraient perdre les spectateurs et alourdir l'ensemble. Il nous embarque sans même une scène d'exposition dans une histoire haletante et tendue de bout en bout, et réussi sans manichéisme ni paternalisme à insuffler une humanité incroyable chez ses personnages, pirates comme marins, à laquelle on s'identifie tout de suite.
"Si je renonce, je suis mort" (Muse)
Pour une fois, les pirates ne sont pas de simples méchants qui en veulent au monde entier, sans profondeur ni histoire. Le scénario leur donne une identité et la parole, sans les diaboliser. Sans s'appesantir dessus longtemps, on comprend les motivations de ces gamins à peine sortis de l'adolescence : victimes de la pauvreté, exploités par des seigneurs de guerre qui les réduisent quasiment à l'esclavage, ils n'ont d'autres choix que de se plier aux volontés de leur hiérarchie. Et comment ne pas penser qu'ils sont le résultat d'un monde occidental riche et puissant en leur faisant passer sous le nez des cargos remplis de denrées qu'ils n'auront la chance de voir que dans leurs plus beaux rêves ? Une injustice compréhensible menant à l'éternelle division entre le Nord et le Sud. Pour autant, Greengrass ne donne pas de leçon. Le film insiste même sur l'échange d'égal à égal établi entre le capitaine et le leader des pirates, entre qui s'installe finalement une reconnaissance implicite, voire même une complicité, toute proportion gardée. Si on retiendra moins les enjeux psychologiques que l'efficacité des actions, on peut saluer l'envie du réalisateur de faire vivre une expérience humaine avant tout.
Et quel autre acteur que Tom Hanks pour jouer ce rôle de capitaine au sang froid à toute épreuve ! Il est l'acteur qu'on appelle pour les rôles d'homme "ordinaire" au destin extra-ordinaire : Apollo 13, Il faut sauver le soldat Ryan, Seul au monde, Cloud Atlas... Et pourtant, on a depuis longtemps oublié qu'il est l'un des plus talentueux de sa génération. Il livre ici une performance bouleversante et profonde, sans jamais flancher. Et face à lui, l'amateur Barkhad Abdi est loin d'être éclipsé. Tous deux construisent un duo (plus qu'un duel) d'hommes nerveux et âpre, où l'envie de vivre et l'humanité sont à égalité.
En résumé : une belle claque cinématographique. Si Greengrass a perdu de son militantisme (Bloody Sunday), il a su avec Capitaine Phillips privilégier une reconstitution tendue et implacable pour attraper le spectateur et ne plus le lâcher pendant deux heures. Chapeau bas !