De Marjane Satrapi
Avec Ryan Reynolds, Gemma Arterton, Anna Kendrick, Jacki Weaver…
Sortie le 18 mars 2015
Jerry est employé depuis peu dans une PME qui fabrique des baignoires, paumée dans un recoin du Michigan. Dévoué et plutôt apprécié par ses collègues, il s'est intégré malgré son comportement parfois étrange. On lui propose de faire partie de l'organisation d'un pique-nique pour l'entreprise et en profite pour se rapprocher de Fiona, une bimbo britannique du service comptabilité. Tentant quand on vit seul avec son chien et son chat, au premier étage d’un bowling désaffecté. Pour seule activité en rentrant chez lui est d'avoir de longues conversations avec ses animaux. Normal… pour un schizophrène. Après une virée nocturne dramatique, Jerry se débat entre les tentations macabres de son colocataire félin et ses propres désirs de normalité.
Après l'animé Persepolis, le joli Poulet aux prunes et l'affreux Bande de Jotas, la réalisatrice franco-iranienne Marjane Satrapi s'est attaqué à un nouveau genre cinématographique... tout en gardant ce qui fait d'elle une réalisatrice à part. Avec The Voices, elle mélange sa poésie, ses idées farfelues et macabres, ses envies loufoques, pour faire une Hydre cinématographique aux tons et aux registres multiples.
Tantôt gore, comique, dramatique ou potache, ce nouveau long-métrage est un exercice périlleux, que la cinéaste relève avec force et courage... et pas mal d'inventivité ! Mais quitte à partir dans l'incongru et assumer le mélange des genres, "t'aurais pu pousser le bouchon un peu plus loin", Marjane ! Non pas comme dans l'imbuvable Bande de Jotas… Et quitte à travailler sur les méandres de l'âme humaine et un esprit dérangé, la folie qu'elle dépeint semble contenue dans un cadre plutôt consensuel. Résultat : l'ensemble a du mal à trouvé un équilibre.
Tantôt gore, comique, dramatique ou potache, ce nouveau long-métrage est un exercice périlleux, que la cinéaste relève avec force et courage... et pas mal d'inventivité ! Mais quitte à partir dans l'incongru et assumer le mélange des genres, "t'aurais pu pousser le bouchon un peu plus loin", Marjane ! Non pas comme dans l'imbuvable Bande de Jotas… Et quitte à travailler sur les méandres de l'âme humaine et un esprit dérangé, la folie qu'elle dépeint semble contenue dans un cadre plutôt consensuel. Résultat : l'ensemble a du mal à trouvé un équilibre.
Chaque rupture de ton est traitée avec la même constance, qui finit par contredire le principe même de cet effet ciné... finalement casse-gueule. Des premières conversations entre Jerry et ses animaux de compagnie (dont la finalité arrive un peu tard), à la comédie musicale finale (sic), en passant par le premier meurtre, tout est finalement balisé et annoncé par le scénario Michael R. Perry qui prépare le terrain pour le spectateur. On retrouve tous les poncifs liés aux films de tueur en série très codés (les femmes écervelées, le monde de travail aseptisé, des travailleurs quasi neurasthéniques...).
Et pourtant, tous ses choix sont revendiqués et assumés, et finissent par nous embarquer. L'humour (plus ou moins singé) est présent pour désamorcer le côté glauque, et carrément violentes de certaines situations. La mise en scène, qui suit le point de vue enfantin et fantasmagorique de Jerry, permet de montrer une réalité subjective bien plus réjouissante quand la folie parle et n'est pas contrainte par des médicaments, que quand elle est vraiment vécue, devenant cruelle, menaçante et malsaine. La réalisatrice nous invite dans la tête de Jerry, et s'attarde sur l'expérience émotionnelle qu'il traverse, lui faisant faire les montagnes russes entre culpabilité et innocence, le Bien et le Mal, la justice et la morale. Après avoir été spectateur de sa vie, Jerry veut en être l'acteur, mais s'y prend évidemment mal, entre empathie et accès de violence. Le tout est appuyé par une direction artistique faisant des merveilles, oscillant entre couleurs flashy et lieux cradingues, sans en faire des caisses. L'artisanal a parfois du bon... même s'il est rose bonbon, comme la tenue de travail de Jerry !
Et ce Jerry est une bonne surprise. Si le casting n'était pas d'une évidence folle, Ryan Reynolds est presque étonnant. Après avoir accumulé des rôles de joli-cœur (La proposition), de beau gosse musclé dans des actionners (Sécurité rapprochée), de voix de film d'animation (Turbo), de bêta dans des comédies faciles, et mêmes un super-héros (Green Lantern) ou anti héros (Deadpool), le Canadien revient avec un film atypique qui met enfin une certain talent (aperçu dans Buried) en valeur. Sa bouille juvénile et son air de gamin paumé et naïf donne à Jerry une étrange sympathie, alors qu'il s'agit d'un meurtrier. Et il faut signaler que l'acteur interprète l'ensemble des voix de la ménagerie et a choisi leurs accents : Bosco le chien s’exprime comme un vieux sage bienveillant du Sud américain, Mr Whiskers le chat roux persifle en écossais et en permanence des insanités. Good choice !
En résumé : sous ses airs de film grandguignolesque et horrifique, The Voices cache une deuxième lecture plus poignante et moins reluisante, faisant le portrait d'un homme qui refuse la réalité telle qu'elle est.
En résumé : sous ses airs de film grandguignolesque et horrifique, The Voices cache une deuxième lecture plus poignante et moins reluisante, faisant le portrait d'un homme qui refuse la réalité telle qu'elle est.