
DANS L'OMBRE DE MARY
De John Lee HancockAvec Tom Hanks, Emma Thompson, Colin Farrell, Paul Giamatti...
Sortie le 5 mars 2014
Laisser un studio de cinéma adapter un roman n'est pas chose facile pour un auteur. Et encore moins lorsqu'il s'agit de l'Australienne P. L. Travers, romancière à l'origine de la saga Mary Poppins ! Au début des années 60, Walt Disney est admiré dans le monde pour tous ses dessins animés qui font rêver des millions d'enfants. Lorsque ses filles lui demandent de porter à l'écran l'histoire d'une nounou qui vole avec un parapluie, le papa de Mickey met un point d'honneur à convaincre son auteure d'en faire un film. Mais celle-ci ne veut pas en entendre parler. Aussi têtu l'un que l'autre, ils entament des négociations interminables pour les droits des livres. Et l'adaptation en musique et en personnages animés ("ciel !") n'est pas au goût de la dame... Mais quand l'argent manque et que la banqueroute n'est pas loin, quelques compromis sont à envisager…


Dans l'ombre de Mary ne se contente pas de nous faire taper du pied sur Chem-cheminée ou Le Morceau de sucre (qui restent en tête un bon moment après la séance…). L'histoire va et vient sur l'enfance de la romancière à l'aide de flashbacks intelligemment construits et placés (même si parfois, un peu sirupeux, avec des ralentis inutiles). On y voit une gamine animée par une imagination débordante, encouragée par un père rêveur et aimant, mais définitivement alcoolique et autodestructeur (Colin Farrell plutôt remarquable). Et au milieu de cette relation quasi exclusive, une mère qu'elle préfère ignorer, car débordée par ses tâches quotidiennes, et qui ne fait rien pour entrer dans son monde.
Petit à petit, on comprend alors comment s'est construite celle qui, une fois adulte, sera une grande névrosée, viscéralement incapable de se laisser aller aux émotions, et pourquoi elle est si profondément attachée à sa nounou sur papier. Un personnage tout en contraste avec le jovial et bonhomme Walt Disney, un poil teinté d'ironie par le réalisateur. Pour lui, tout n'est que faste et drôlerie. Dans son monde, rien est impossible… L'Australienne se voit traitée comme une reine à coup de tonnes de peluches dans sa chambre d'hôtel, de cupcakes colorés dans le studio, affublée d'un chauffeur trop gai à son goût (excellent et attachant Paul Giamatti, tout en sobriété), ou encore de proposition de tours de manège à DisneyWorld. C'en est trop pour celle dont la vie n'est que simplicité grisâtre. Tom Hanks signe ici un rôle loin de ses habitudes tout en automatismes (Capitaine Philips), et retrouve son regard d'enfant. Il nous fait partager ainsi son réel plaisir à incarner celui à l'origine de tant de rires et de rêves.

En résumé : Une très jolie histoire, bouleversante et amusante à la fois, qui ne vous fera plus regarder Mary Poppins de la même façon.