mardi 26 mars 2013

Critique : La Cité Rose : Un Gloubiboulga de banlieue (27/03/13)

LA CITÉ ROSE
De Julien Abraham
Avec Azize Diabate Abdoulaye, Idrissa Diabaté, Ismaël Ouazzani, Zouher Rahim, Anaïs, Begue, Ibrahim Koma...


La Cité Rose. Des barres d'immeubles en Seine-Saint-Denis où vivent des gamins au destin bien différent. "Mitraillette", 12 ans, est un garçon plein de vie et de rêves. Entre l'école et les copains, il joue dans le quartier en pensant à Océane, la plus jolie fille du collège. Et puis à Isma, son cousin de 16 ans, qui tombe dans les embrouilles lorsqu'il rejoint Narcisse, le caïd et dealer du coin. Sans oublier Djibril, son grand frère, la fierté de la famille car il fait des études de droit et qui habite avec sa copine à Paris. Tout ce petit monde évolue au sein du quartier où les envies et les rêves se paient cash.





"Je ne quitterais ma cité pour rien au monde !" 


© Sebastiaan Deerenberg© Sebastiaan Deerenberg
Contrairement aux nombreux films sur la banlieue déjà faits (L'Esquive, La Haine, Les Lascars, Les Kaïras...), La Cité Rose offre une vision bien plus bigarrée et ensoleillée que les tours HLM grises et ternes habituelles. Les couleurs y sont vivent et les décors chatoyants. Un regard d'enfant joyeux et émerveillé sur un lieu où il y fait bon vivre, où tout est permis, où le jeu et les rires se substituent aux drames et à la criminalité morbide. 
© Sebastiaan Deerenberg
Dédramatiser. C'est la mission première que s'est lancé Julien Abraham. Mais il n'en oublie pas pour autant de par des nombreux soucis que les habitants de la cité vivent au quotidien. Le réalisateur soulève de nombreuses questions de société plutôt intéressantes, sans moralisation, ni jugement : la survie économique de familles grâce au trafic, l'attrait des plus jeunes pour l'aventure qui paie, les relations amoureuses inter-ethniques, les difficultés d'insertion due à l'éloignement géographique ou sociale, les a-priori raciaux des banlieusards vs les Parisiens et inversement... Tout y passe ! 
© Sebastiaan Deerenberg
Mais à vouloir trop en mettre, vouloir tout balancer, Abraham finit par noyer ses propos sans rien construire. On pose les sujets pour le fond mais tant pis pour la forme car 1h30, ça passe vite ! Résultat : le scénario n'est pas ciselé, les enchaînements se font à la truelle, les dialogues se paraphrasent souvent comme si le cinéaste avait peur de ne pas se faire comprendre, donnant aux répliques l'impression de sauter comme un disque rayé. Le tout fait un peu artificiel. C'est bien dommage, d'autant lorsqu'il s'agit d'établir un raisonnement social, comme lors de l'entretien d'embauche de Djibril, qui finit en parodie ridicule d'une pub pour l'intégration des minorités. Ou encore, lorsque le même Djibril se dispute avec sa copine, transformant l'argumentation en cris et gesticulations ridicules. 

© Sébastien Repecaud
Côté interprétation, ce sont les enfants qui s'en tirent le mieux. Plutôt drôles et pétillants, ils jouissent de toute la gaieté et la fraîcheur de leur jeune âge. Contrairement à leurs aînés, qui débitent leur texte en oubliant leur naturel, faisant de leurs scènes les plus "intenses" des numéros de clowns, et de leurs personnages de vraies caricatures de film de gangsters imitant les séries policières. Peu crédibles et souvent à côté de leurs émotions, ils plombent les "scènes d'action" en devenant risibles et loin de la réalité. Et la direction d'acteurs est probablement la raison que le talent des comédiens. On est loin de l'excellent Rengaine, présenté récemment par Rachid Djaïdani (et primé à Deauville) auquel il est facile de se rattacher.


En résumé : Si l'affiche peut faire penser (de loin) à La Cité de Dieu de Fernando Meireilles, La Cité Rose a bien du mal à y faire honneur. Si les nombreuses références aux films de trafiquants sont là (L'impasse pour sa construction, Scarface sur l'écran d'une télé, la fusillade comme dans Ma 6-T va craquer), les bonnes intentions ne suffisent pas. À force de vouloir trop en dire, on finit par noyer son sujet.


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