De Ben Lewin
Avec John Hawkes, Helen Hunt, William H. Macy...
Si le corps de Mark est condamné à l'immobilité par la polio, il n'en est pas moins un homme accompli. Journaliste à part entière et poète à ses heures, il mène une existence quasi normales quelques heures par jours, entre ses visites à l'église ou encore au parc aidée d'une auxiliaire de vie, et son obligation de rester dans son caisson à oxygène. Question de survie. S'il noue facilement contact avec les gens, et en particulier avec la gente féminine, il en va autrement lorsqu'il s'agit d'amour. Agé de 38 ans, un manque le ronge jusqu'à ce que celui-ci devienne une nécessité : il ne veut pas mourir sans avoir connu les plaisirs de la chair. Après de longues discussions avec son directeur de conscience -- qui n'est autre qu'un prêtre très ouvert d'esprit -- il contacte une assistante sexuelle, une professionnelle thérapeute du sexe pour handicapés. En six sessions, Cheryl l'initiera aux joie de l'amour physique. Mais pas que...
Comment peut-on avoir une vie sexuelle épanouie lorsqu'on est prisonnier de son corps, allongé en permanence ? Pour y répondre, le réalisateur australo-américain Ben Lewin s'est inspiré de la véritable histoire de Mark O'Brian, un poète et écrivain lourdement handicapé, et de sa propre vision du handicap, ayant lui-même eu la polio étant enfant.
Si côté technique est plus que banal (un montage pas très funky et une esthétique passe-partout et sans relief), The Sessions est littéralement porté un scénario intelligent finement travaillé et la "performance" toute au naturel de ses acteurs principaux. Là où certains se seraient vautrés en rajoutant du pathos au pathos de la situation de Mark) ou d'une impudeur voyeuriste, Ben Lewin a préféré jouer la carte de l'humour décalé et enlevé, voire sarcastique, instillé avec beaucoup d'auto-dérision et de douceur.
Ce qui pourrait être perçu comme un calvaire insurmontable (ce qu'on peut bien imaginer) devient une histoire avant tout humaine plein de sensibilité, d'échanges, de discussions profondes mais pas rébarbatives. Les conversations que Mark a avec le prêtre devenu son confident sont d'une richesse déconcertante et touchante à la fois. Ils abordent des thèmes que la majorité d'entre nous se refuserait d'aborder, même de penser. William H. Macy est remarquable sous la soutane, en totale contradiction avec son rôle de dépravé dans la série Shameless.
Les scènes de sexe, immanquables au vue du sujet, sont filmées avec une distance qui instaure une pudeur mesurée, sans pour autant masquer les corps. L'écriture libre et l'interprétation tout en laisser-aller renvoie au spectateur cette humanité désarmante de deux êtres qui, malgré tout ce qui les sépare, se rapprochent tout en gardant une dignité qui force le respect.
On ne peut que saluer la performance de John Hawkes (qui vient de recevoir l'Independant Spirit Award pour ce rôle) qui, arrive en ne jouant que de la tête, à transmettre des émotions vraies sans pour autant tomber dans le misérabilisme et la recherche de compassion dégoulinante. Quant à Helen Hunt -- dont l'anatomie n'aura plus de secret pour personne -- elle s'efface complètement pour devenir cette femme devenue un cadeau du ciel pour Mark et une "sainte" aux yeux de son mari, qui approuve son métier. Une "performance" probablement moins forte que son partenaire de jeu, mais qui lui a quand même valu une citation à l'Oscar cette année en tant que Meilleure actrice.
On peut regretter à ce sujet que les motivations de Cheryl pour cette profession ne soient pas un peu plus développées, voire creusées. Manque peut-être aussi ce grain de folie ou ce petit-truc-en-plus qui a fait d'Intouchables (auquel on pense forcément) un film antidépresseur qui fait du bien. En tout cas, on ne sait pas si The Sessions fera avancer le débat et la cause des handicapés sur ce terrain-là mais il aidera à coup sûr à comprendre que l'assistance sexuelle peut être un choix possible, répondant à un besoin de découverte du corps, de l'intimité, sans parler de prostitution.
En résumé : Si le sujet était plus que sensible, voire casse-gueule, Ben Lewin nous embarque avec simplicité et humanité dans une histoire subtilement écrite, sans voile et fabuleusement interprétée.
Un vrai coup de cœur !