L'ETRANGE POUVOIR DE NORMAN
De Sam Fell et Chris Buhler
Avec Anna Kendrick, Casey Affleck, Christopher Mintz-Plasse, Leslie Mann...
Norman n'est pas un gamin comme les autres : il a le don de communiquer avec les morts. Cela vous rappelle quelque chose ?! Non, L’Étrange pouvoir de Norman (ParaNorman en VO) n'est pas un remake du Sixième Sens. Cette capacité hors-norme de ce jeune garçon pourrait paraître plutôt cool au premier abord, mais elle s'avère être une véritable malédiction pour cet enfant, qui ne rêve que d'une chose : être normal. Raillé par sa grande sœur et devenu la tête de turc de ses camarades d'école, Norman, esseulé, fait de sa prédisposition un moyen d'échapper à son quotidien morose. A défaut d'avoir de "vrais" copains, il fait ami-ami avec tous les revenants qu'il rencontre. Mais sa vie va prendre une nouvelle tournure quand son oncle, "dialogueur" avec l'au-delà lui-aussi, lui raconte qu'une malédiction lancée il y a des siècles par une sorcière rancunière va s'abattre sur la ville et que lui seul peut l'en empêcher. C'est finalement entouré d'une clique de bras-cassés mais soudée que Norman va utiliser son don pour que son monde n'explose pas...
Au risque de me répéter, L’Étrange pouvoir de Norman est un petit bijou de la maison Laika, déjà à l'origine du sombre et néanmoins sublime Coraline (nominé aux Oscars en 2010). On pourrait le croire tout droit sorti des studios Hammer, avec sa touche humoristique à la John Hughes (revendiquée par Travis Knight, directeur des studios Laika) et ses grands moments de blagues crétines. Mais on retrouve aussi une véritable poésie des films familiaux des années 80, dans lesquels était développé un message à destination des kids. Ici, Chris Butler et Sam Fell ont rappelé l'importance de rester soi-même en toute circonstance, s'accepter et accepter les autres tels qu'ils sont, tout en agissant ensemble pour le bien de tous. Chacun des personnages trouve ainsi sa place dans la vie en prenant une décision et/ou en agissant avec courage, le faisant ainsi... grandir, tout simplement. Une morale très américaine. (On est tout de même chez Universal !). Le risque est de voir cet élan d'unité familiale, communautaire et nationale tomber à plat chez nous. Mais faire l'éloge de la différence et affronter les peurs de l'enfance touchera tout le monde.
Au-delà d'une histoire simpliste, cette deuxième production Laika séduit par son univers gothico-fantastico-horrifique bourrée de références cinématographiques, restant dans la lignée de Tim Burton et de ses Noces Funèbres et de Beetlejuice. Certains diront que celles-ci alourdissent le propos et ne sont pas nécessaires, mais d'autres y verront des clins d'oeil pour les grands enfants qui viendront accompagner leurs bambins. A ce sujet, un avertissement tout de même : malgré les premières images, ce film n'est pas à mettre devant tous les (trop) jeunes yeux non plus. Certaines scènes pourraient impressionner et certains propos, parfois mystiques, pourraient être mal perçus ou compris par les plus petits.
Ce qui fascine le plus dans L’Étrange pouvoir de Norman reste son esthétique unique. Filmé en stop-motion, ce long-métrage offre une image très sophistiquée. Le travail minutieux et magique du procédé image par image est sublimé par l'ajout d'effets numériques incroyables, donnant à l'ensemble un aspect fluide et surprenant faisant oublier l'aspect artisanal de la réalisation.
Ainsi les spectres et autres apparitions occultes, zombies et autre sorcière prennent un nouvel aspect s'adaptant merveilleusement bien à la 3D, pour une fois bien utilisée. Ainsi la chambre de Norman est à elle seule une véritable oeuvre d'art. Décorée de diverses images ou objets à l'effigie du monde des morts, elle s'apparente à un sanctuaire. Les influences, pléthoriques, sont bien là (Carrie, Halloween, les films de zombies...) jouant de l'hommage sans jamais verser dans le catalogue désincarné, ou le clin d'œil stérile.
On est souvent scotché par la finesse des textures, l'énergie qui se dégage des vastes décors en extérieur où se déroulent la majeure partie de l'histoire, la précision de chaque expression, à l'effet immédiat et riche de subtilités (merci à l'imprimante 3D utilisée pour fabriquer des dizaines d'exemplaires des visages de chaque personnage !). Un grand coup de chapeau à la réalisation de la scène dans les toilettes de l'école, où les WC explosent et le papier toilette prend vie...
Un bémol tout de même...
On pourra être déçu de voir le scénario se prendre un peu les pieds dans le tapis et tourner à vide passée la surprise du ton décalé de la première demi heure. Aurait-il été sacrifié sur l'autel du mainstream et du grand public ? L'univers morbide, sombre et si particulier de Norman redevient plus commun une fois les zombies sortis de leurs tombes, mettant les personnages sur pilotage automatique vers une morale bien pensante, où la tolérance et le pardon affadissent l'impact créé au départ. Premières 30 minutes qu'on aurait préféré voir rallongées lors de certaines scènes manquant d'amplitude pour s'immerger totalement dans cet univers.
En résumé : Le récit n'a pas bénéficié du même soin que la direction artistique. Et pourtant, L’Étrange pouvoir de Norman est et restera un de mes coups de coeur de l'année. Visuellement époustouflant, il remise au grenier les essais en stop-motion des concurrents et ne fait pas pâle figure devant les derniers Pixar et Dreamworks. Reste à savoir si Tim Burton et son Frankenweenie feront mieux !
Et voici l'étonnant making-of: