samedi 25 août 2012

Critique : Des hommes sans loi : un film de gangsters pure tradition (12/09/12)

DES HOMMES SANS LOI (Lawless)

de John Hillcoat
avec Shia LeBeouf, Tom Hardy, Jason Clarke, Jessic Chastain, Gary Oldman, Mia Wasikowska, Guy Pearce...

L’Amérique des années1930 est en pleine Prohibition. Les trafics sous le manteau se multiplient, et le comté de Franklin en Virginie, se rend célèbre pour sa production d’alcool de contrebande. Pour faire tourner les affaires florissantes, les frères Bondurant sont devenus des trafiquants hors-pair. Jack, le plus jeune, ambitieux et sanguin, voit grand : il veut que la petite affaire familiale se développe parmi les poids-lourds du trafic : les bootleggers de Chicago, gangsters de haut-vol tels que Floyd Banner et Al Capone. Howard, l’aîné, aime jouer de ses poings dès qu'il peut. Forrest, le cadet, fait figure de chef droit dans ses bottes, loyal et peu bavard, qui reste déterminé à protéger sa famille. Tous trois font face à une police corrompue, une justice arbitraire et des affrontements entre gangsters rivaux. Ils vont se battre et laisser leurs traces dans l'Histoire, à leur manière...

"On ne juge pas un homme à sa violence mais jusqu'où il est capable d'aller"



Labellisé "inspiré de faits réels", Des hommes de loi s'inspire du roman Pour quelques gouttes d'alcool de Matt Bondurant, descendant direct des frères contrebandiers d'alcool dont il est question dans le film. John Hillcoat (La Proposition, La Route) revisite avec brio le film de gangster noir, avec élégance et classicisme, mais aussi une réelle puissance toute en retenue, et une mise en scène toute en précision et en rigueur. 

On doit aussi ce résultat à l'excellent scénario et à la musique de Nick Cave, déjà sur La Proposition. Il a réussit à donner aux personnages une musicalité particulière avec leurs accents presque chantants (et parfois incompréhensible dans le cas de Tom Hardy... coutumier du fait depuis The Dark Knight rides dont la bande-son a été retravaillée sur ses dialogues), et faire évoluer le scénario et la BO dans une réelle symbiose. Grâce à lui, on replonge ainsi sans reculer dans une période déterminante mais peu reluisante de l'Histoire américaine, qui ici revient sur la contrebande d'alcool, son lien avec l'exploitation du charbon en Virginie, sa situation économique et sociale, tout en incluant les différends concernant la religion et la ségrégation raciale. 

Pour parfaire le tout, le casting est éblouissant de finesse et étale un éventail d'émotions qui nous transpercent. Des hommes sans loi s'avère être un savoureux mélange tout en contradictions. Peuplé d'hommes virils capables de douceur, des comportements audacieux, voire odieux, entrecoupés d'instants silencieux suaves, une douleur physique atroce adoucie par le mythe de l'invincibilité. Car chez les Bondurant, on ne meurt pas ! Et quel autre acteur que Tom Hardy pour incarner cette infaillibilité à toute épreuve. À la fois bestial et "nounours", l'acteur de Bronson et Warrior livre une performance d'une intensité unique et fascinante, oscillant entre férocité maîtrisée lorsqu'il affirme son rôle de protecteur de sa famille et fragilité qu'il a dû mal à exprimer lorsqu'il se rapproche de Maggie. Concentré et maître de lui, ses "mrhhh" ressemblant plus à des grognements à peine perceptibles parlent pour lui. Résultat : un Tom Hardy hypnotisant
Les autres acteurs ne sont pas en reste... Shia LeBeouf, que l'on voit grandir depuis Paranoïak et Transformers, s'avère beaucoup nuancé qu'il ne l'a montré jusqu'à présent. Comme Jack, son personnage, il semble trouver peu à peu sa place dans le monde du cinéma "d'auteur" et prend une épaisseur qu'on aimerait lui voir développer plus souvent. Passant par toutes les émotions, jusqu'à devenir adulte, Jack s'affirme auprès de ses frères, laissant peu à peu de côté son empathie, véritable frein à sa crédibilité de gangster. Ayant récemment déclaré qu'il ne voulait plus faire de blockbusters, on lui souhaite de retrouver des rôles comme celui de Jack pour s'épanouir.

Quant à Jason Clarke, figure burinée et physique burné, est davantage mis en retrait par rapport aux deux autres. Son personnage, Howard 3e frères Bondurant, est rongé par sa culpabilité et sa honte. Étant l'aîné, il devrait être le responsable de la famille. Mais paumé et tourmenté, il n'assume pas et souffre de ne pas être là pour ses frères. Et pourtant, il considère sa relation avec eux comme la seule chose qui ait de la valeur dans sa vie, son unique qualité rédemptrice. Ce qui est loin d'être le cas de l'horrible Charlie Rakes, interprété sans concession et tout en manières par Guy Pierce, loin de ses rôles d'action man développés dernièrement (Lock Out). Pour en finir avec le cast masculin, je souhaiterais aussi tiré mon chapeau à Dane DeHaan, qu'on a découvert au début de l'année dans Chronicle, qui interprète Cricket, un être peu gâté par la vie, d'une sensibilité, d'une gentillesse et d'une intelligence rare. DeHaan lui donne une âme magnifique.
Si Maggie, incarnée par Jessica Chastain (Tree of life, L'affaire Rachel Singer, Take Shelter), est imposée comme le personnage le plus fort du film (plus forte de par son incroyable passé et sa solidité auprès des frères). Toujours aussi belle et sensuelle, son interprétation est juste mais sans réel éclat. Quant à Mia Wasikowska (Restless, Jane Eyre) elle sert de faire-valoir, sans plus. Dommage ! 


En résumé : De la castagne (âmes sensibles, fermez les yeux), des acteurs fabuleux, un scénario classique mais percutant. À ne surtout pas manquer ! Il ne reste plus qu'à espérer qu'il rencontre le même enthousiasme que moi à Deauville !



Messages les plus consultés