De Vincent Lannoo
Avec Cameron Bright, Isabella Blake-Thomas, Hannah Murray...
Vincent Lannoo fait figure de « bébé de Cabourg » selon la programmatrice du Festival car le réalisateur belge vient y présenter chacun de ses films depuis plus de 10 ans. Il y a fait ses débuts très remarqués avec Strass en 2001, puis Ordinary Man en 2005, mais aussi Vampires en 2010.
Si le cinéma du plat pays est connu pour ses drames sociaux, celui de Lannoo n’est pas celui de Ken Loach ou encore de Mike Leigh. Il revient avec Little Glory une fresque mélancolique et violente à la fois, où l’on vibre grâce à de l’émotion pure, sans besoin de misérabilisme dégoulinant ou d’extrême dureté dans la mise en scène malgré un sujet dramatique.
Shawn est un adolescent de 19 ans qui vient de perdre sa mère. Face à un père ouvrier dans le bâtiment et alcoolique qui n’a aucune considération ni affection pour son fils, il vivote de petits boulots qu’il quitte à chaque fois rapidement faute de constance et d’ambition dans la vie. Looser sans avenir, il traîne avec des petites frappes qui l’entrainent dans des combines foireuses sous prétexte de gagner un peu d’argent. Mais tout ce quotidien sans horizon va se trouver bouleverser lorsque le père de Shawn meurt en tombant du toit d’une maison en construction, un « accident » aux vapeurs d’alcool. Sans ressources, il va devoir s’occuper seul de sa petite sœur d’à peine 10 ans (Isabella Blake-Thomas). Sans compter qu’il va devoir se battre pour sa garde contre une tante qui ne veut que le bonheur de l’enfant sans penser aux liens familiaux qui unissent la sœur et le frère, même si ce dernier est loin d’être un modèle en matière de parentalité et d’affection.
Si l'on ne s'étonnera pas de retrouver le cinéaste de l'autre côté de l'Atlantique (genre de cinéma qu'il affectionne), on peut en revanche s'étonner du sérieux avec lequel le projet s'est monté. Plutôt habitué à l'humour décalé, à un univers foutrarque (Vampires), où les filles se font enfermer dans un coffre de voiture (Ordinary Man) ou encore de gourous pervers (Strass), Vincent Lannoo nous offre ici un long plein de gravité sans pour autant oublier la liberté de sa démarche.
Tourné entièrement en anglais entre le Canada et la Belgique, Little Glory renoue avec l'éternelle figure du ciné US, l'ado américain. Nombreux sont les films qui étalent la rage de ces jeunes aux corps révoltés et indécis, aux esprits pris dans les turpitudes du changement. Et comme pour appuyer sa volonté de perte de repères, le réalisateur a planté le décor dans le Michigan, bassin industriel automobile "où la pauvreté, et les difficultés dues à la crise ne sont pas assez montrées au cinéma", a-t-il déclarés aux festivaliers de Cabourg.
Comment être parent alors qu’on est encore un ado ? Comment voir ses responsabilités prendre autant d’importances alors qu’on a du mal à se gérer soi-même ? Little Glory dépeint le quotidien de ce jeune qui se prend pour un homme fort et capable de tout contrôler alors qu’il est lui-même à peine sorti de l’enfance et secrètement brisé par la mort de sa mère. Quant à Julia, sa petite sœur, elle compose avec ce qui lui reste de famille, passant outre les conneries de son frangin, les blagues salaces de ses copains et un quotidien rythmé par les retards à l’école et le poulet frit à emporter mangé soir après soir.
Shawn ne va pas remplacer la figure paternelle totalement démissionnaire et violent par une autorité de tuteur qu'il n'est absolument pas dans l'âme. Il est et reste le grand frère inadapté et, avec Julia, ils vont se faire grandir mutuellement. Grâce à l'intelligence et la maturité de l'enfant (lui-même parle d' "enfant magique"), la bulle dans laquelle Shawn s'était muré peut éclater pour le remettre face à son existence. Vincent Lannoo déloge alors la souffrance indicible cachée au fond de l'ado paumé, contraint de se plier à l'autorité des adultes alors qu'il n'a qu'une envie : vivre sa vie d'ado insouciant avec ses potes et sa copine. Mais il va trouver un refuge d'une valeur inestimable : l'amour fraternel d'une petite soeur qui ne demande qu'à aimer et être aimée. Le film avance alors au rythme de la prise de conscience du garçon en flirtant à la limite du too much, sans jamais la franchir. "J'aime et j'essaie d'être à la limite du mélo, je flirte avec le trop plein. Mais j'avais surtout envie d'émotions. Je pleure à chaque fois à la fin de ce film. Déjà au montage, ça avait été difficile. Les larmes ne sont pas gratuites. Si elles sont là, c'est qu'on a gagné quelque chose", confiait-il aux festivaliers.
Loin de son rôle de Volturi dans la saga vampirique Twilight, Cameron Bright fait ici preuve d’une grande preuve de maturité dans son jeu. Tour à tour gros dur capable de proférer les pires horreurs à sa petite sœur, et gamin perdu à la recherche de toute l’affection qu’il ne reçoit plus depuis longtemps, il réussit un tour de force pour son premier rôle. Quant à la jeune Isabella, elle est bluffante. D'une sensibilité à fleur de peau, elle égalise le jeu des grands sans aucune honte. "J'ai flashé sur elle... et sur sa mère (rires), se souvient le réalisateur. Sa mère car j'ai tout de suite compris qu'elle ne serait pas retors sur le plateau". Tour à tour espiègle et enfantine et adulte dans un corps de petite fille, elle remet à sa place tous ceux qui la croit aussi perdue que son frère ou insignifiante.
En résumé : une belle réussite.