Avec Hugh Jackman, Russel Crowe, Anne Hathaway, Amanda Seyfried, Eddie Redmayne...
Faut-il encore présenter l'histoire du grand classique de Victor Hugo ? Pour les amnésiques...
Après 19 ans de bagne, Jean Valjean (H. Jackman), envoyé au bagne pour avoir volé une miche de pain, est relâché en liberté conditionnelle par Javert (R. Crowe), officier en charge de la main d'œuvre carcérale. L'ex-criminel en profite pour disparaître et se faire un nouveau nom ainsi qu'une nouvelle vie, tandis que l'odieux Javert le poursuit sans relâche. Il devient maire d'un village et entrepreneur à succès et aimé de tous. Il fait la connaissance de Fantine (A. Hathaway), ouvrière dans son usine, après que celle-ci se soit fait renvoyer par un contre-maître éconduit car pressant. Valjean lui promet alors de prendre soin de sa fille, Cosette. Ce qu'il fit jusqu'à ce qu'elle rencontre Marius, jeune révolutionnaire tiraillé entre son amour naissant et son désir de liberté. Leurs destins à tout jamais liés va basculer...
Si la mise en scène pêche...
Comment ne pas se réjouir quand un tel projet est annoncé, d'autant lorsque c'est Tom Hooper (Le Discours d'un roi) qui est à la barre, que son but est de capter les voix au moment du tournage et qu'un casting flamboyant est prévu pour le faire ? Mais adapter une comédie musicale (et non l'œuvre littéraire de Hugo) est une sacrée prise de risque. Surtout lorsque celle-ci est chantée de bout en bout -- à quelques répliques près -- pendant 2h30. Tout se dit en chanson. Vous voilà prévenus !
Si la version live sur scène (que j'avais adorée) a une ampleur visuelle et un souffle épique, la version filmée tombe à plat. Le résultat est étriqué, voire parfois étouffant. Quelques raisons techniques sont en cause. Tout d'abord par la mise en scène surprenante car hermétique. Hopper fait le choix de cadrer serré, en plan fixe sur chaque solo (ou presque) dans les moments où l'émotion se doit d'être à son comble. Résultat : le merveilleux "I dreamed a dream" chanté par Fantine, moment de grâce par excellence se retrouve écrasé et on finit par décrocher. La fragilité de Fantine, dévastatrice pour le cœur dès les premières notes, s'en trouve rapidement aplatie. Il en va de même pour les atermoiements de Cosette mis à mal par ce même traitement, cadrés façon loupe à droite de l'écran. Ou encore les souffrances de Valjean devenues lisses.
On ne peut que constater une incompatibilité entre l'image étroite et une musique qui a, sans aucun doute, été pensée et écrite pour être perçue du fin fond d'une salle de théâtre immense. Ce qui donne le sentiment d'une interprétation répétitive, sans âme et peu avantageuse. De plus, le cinéaste ne parvient jamais à faire cohabiter les moments de comédie pure (dans l'auberge des Thénardier), la tragédie quasi christique (l'accord du pardon de Javert) et les moments mélo -- et larmoyants -- (Valjean). C'est ce qui s'appelle déchanter...
... le casting éblouit
Et pourtant, on finit par verser une larme (voire plusieurs)... On ne peut renier la beauté de la musique qui vous hante pendant longtemps, des paroles ("Red and Black", "Who am I", "In my life" en particulier) et de l'implication des acteurs ! Tom Hooper est un grand directeur d'acteur, méticuleux mais généreux. Hugh Jackman a des talents de chanteurs indéniables. Son vibrato et son amplitude vocale riche en harmonies nous embarquent à chaque fois -- même si la deuxième partie le voit un peu plus éteint... la faute à la partition ou au récit qui s'essouffle un peu ? De quoi faire passer Russel Crowe pour un chanteur de salle de bain. Malgré son imposante posture et son interprétation profonde, Crowe ne donne pas le change avec son timbre puissant mais sans amplitude et trop linéaire pour l'envergure de Javert. (On ne parlera pas des quelques moments où certains s'époumonent dans les partitions beaucoup trop aigües pour leur tessiture... celles d'Amanda Seyfried pour ne pas la nommer).
On retiendra les beaux brins de voix d'Eddie Redmayne (My week with Marylin) et de Natalya Wallace (pour la première fois à l'écran) dans le rôle d'Eponine, chantant le sublime "On my own". Sans oublier le moment de gaudriole de Sacha Baron Cohen et Helena Bonham Carter dans le rôle loufoque des époux Thénardier, plutôt fun, même s'ils en font des tonnes.
En résumé : Une véritable déception. La réalisation trop formatée nuit à la beauté du reste. Même si on passe finalement un bon moment, on ne retiendra que les véritables instants de grâce qu'offre la première partie du film. Sur les 12 statuettes des Oscars convoitées, me voilà curieuse de savoir combien Les Misérables version Hooper va remporter... Anne Hathaway en a sûrement une déjà gravée à son nom !