Les duettistes de film de genre Alexandre Bustillo et Julien Maury ont encore frappé... fort ! Après le gorissime cru et brutal
A l'intérieur, ils nous entraînent dans une épopée brumeuse au milieu les landes bretonnes avec
LIVIDE, vers un fantastique volontairement désuet, ténébreux et gothique. Un projet qui semble plus "calme" que leur premier essai... en apparence seulement.
De quoi ça parle ?
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© La Fabrique 2 |
Lucie (Chloé Coulloud) fait un stage au côté de Catherine (Catherine Jacob), une infirmière à domicile un peu rombière, à la gouaille bien trempée. Elle font leur ronde tranquillement, jusqu'à cette maison mystérieuse et inquiétante, où vit Deborah Jessel une ancienne prof de danse centenaire dans le coma (Marie-Claude Pietragalla). Quand Lucie apprend qu'un trésor est caché dans cette maison, il n'en faut pas moins à William (Felix Moati, vu dans
LOL) et Ben (Jérémy Kapone, aussi dans
LOL), respectivement petit-ami de Lucie et frère de William, pour commettre un cambriolage qui pourrait leur permettre de sortir de leur vie qu'ils trouvent bien triste. Bien mal leur en pris, leur petite virée nocturne tourne au cauchemar...
Un visuel épatant pour un scénario un chouilla fouillis
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Tout comme dans leur précédent film, les réalisateurs nous présentent d'abord les personnages dans leur intimité du quotidien, ici dans un folklore breton où une taverne de pêcheurs, un port brumeux et une lande mouillée par la pluie sont l'univers de classes moyennes provinciales, si chères à Chabrol. Mais la comparaison s'arrête là.
Livide se tourne véritablement vers le fantastique, voire l'horreur, dont le prologue sert de lente entrée en matière, par petites touches ici et là, entre feu-follet, parquets qui grincent et animaux empaillés.
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La maison, véritable personnage vivant à part entière, est ici explorée comme un être dont on fait l'autopsie, où chaque pièce est un organe avec une fonction quasi physiologique. De la cave à la chambre de Jessel, les ados parcourent les entrailles de la bête en montant un escalier sordide jusqu'à la chambre au trésor, cerveau de leur péripétie. On sent presque l'odeur du formol qui se dégage du labo étranges, où les objets de taxidermie côtoient les bocaux remplis de créatures informes. Les références cinématographiques et littéraires abondent dans ce manoir à l'atmosphère onirique et baroque. Les ombres du fer forgé de la rampe d'escalier dansent sur les murs ornés de trophées de chasse, chaque latte de parquet craque, et chaque pièce est truffée d'objets d'accessoires qui flanquent la chair de poule. Tout pour faire monter la pression. L'ensemble crée une sensation d'harmonie dissonante plutôt grisante, qui peut parfois se révéler très déstabilisante.
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Livide surfe entre séquences poétiques et véritables moments de flippe dignes des films de Georges A. Romero ou de Dario Argento (les sursauts et les mains devant les yeux sont à prévoir pour les plus sensibles d'entre vous). Mais on peut regretter les allers et venues de l'histoire grâce à de (trop ?) nombreux flashbacks censés nous raconter l'histoire de cette prof de danse stricte et inflexible, qui finalement alourdissent le récit sans véritablement apporter de réponses aux nombreuses questions qu'on se pose. Est-ce une volonté non dissimulée de vouloir divertir le spectateur à tout prix ? Voilà qui est bien malheureux car le film est rempli de scènes au sens caché plutôt intéressantes (dont je cherche toujours la "meilleure" signification aujourd'hui...) et qui font appel à notre imaginaire collectif, mais qui se perd dans des digressions parfois inutiles ou maladroites.
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Jessel, femme sans âge dont le visage est caché par son respirateur (la plupart du temps), on peut se demander au premier abord comment et pourquoi la grande Pietragalla a accepté de jouer un rôle comme celui-ci. On lui connaît son goût pour le fantasmagorique, qu'elle distille dans ses chorégraphies (dont Le Tour du monde en 80 jours). Mais c'est avec une certaine curiosité qu'on l'imagine dans ce rôle de prof de danse classique, vampire de surcroît, qui protège son trésor, son enfant, danseuse transformée en pantin (Chloé Marcq) telles celles peintes sur les toiles de Degas. Grâce à une gestuelle incroyable, toutes les deux apportent une grâce violente et dérangeante au film, qui sublime les effets de terreur.
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© La Fabrique 2 |
Quant au trio de cambrioleurs à la manque, on peut souligner une réelle implication des jeunes acteurs, même si parfois, on a l'impression qu'ils n'y croient pas eux-mêmes au vu de leurs réactions parfois étranges... La faute au manque de rigueur dans l’écriture ? Quelques profondeurs psychologiques pour créer une réelle empathie pour les personnages n'auraient pas été superflues. Ou un manque de moyens pour mettre en œuvre
les fantasmes des deux cinéastes ? Malheureusement, le script qui part en roue libre donne un résultat trop rapide qui tend à refroidir parfois les ardeurs et sème l'incompréhension. La fin est quasi illisible et multiplie les plans surréalistes qui, sans les clés pour y trouver du sens, restent totalement abscons. Lucie préfère-t-elle s'en aller pour laisser vivre celle qui n'a jamais pu faire ce qu'elle voulait à cause d'une mère envahissante ? Libre à vous de conclure comme bon vous semble...
En résumé : Un film de genre plein de bonnes intentions, qui impose des qualités esthétiques certaines et des émotions réelles, mais qui se perd dans des digressions maladroites. Mais il faut saluer l'audace des réalisateurs "Made in France" qui ont osé s'aventurer sur le film de genre souvent déprécié et très souvent casse-gueule.