LINCOLN
De Steven Spielberg
Avec Daniel Day Lewis, Tommy Lee Jones, Sally Field, Joseph Gordon-Levitt...
La guerre déchire les Etats américains en pleine vague de changement. Abraham Lincoln, fraîchement réélu 16e président d'Amérique, met tout en œuvre pour stopper le conflit, trouver une solution pour unifier le conflit et abolir l'esclavage. Armé de toute la détermination qui l'anime et d'un courage politique sans faille, il va devoir faire des choix stratégiques qui vont boulverser le destin des générations futures.
© 20th Century Fox |
S'attaquer à un sujet historique aussi colossal que l'abolition de l'esclavage en pleine Guerre de Secession avait de quoi en effrayer plus d'un. Mais pas Spielberg, qui élabore le projet depuis plus de 10 ans dans la tête. Il lui fallait donc un acteur hors-norme pour interpréter Abraham Lincoln, sans doute le président le plus révéré de l'histoire américaine. Et pour prendre toute la mesure d'une telle charge cinématographique. C'est chose accomplie avec le brillant Daniel Day-Lewis, qu'on pourrait considérer comment le plus grand acteur de sa génération. Il incarne l'homme d'Etat républicain comme si ça vie en dépendait. Il ne joue pas, il EST Lincoln ! Seuls parfois ses yeux rieurs (dus à sa "jeunesse") le trahissent. Visage émacié, traits tirés, voix chevrotante, démarche chancelante... Le moindre détail est travaillé. Impressionnant ! De quoi lui donner de sérieuses chances pour les Oscars, qu'il a déjà remporté deux fois pour My left foot (1989) et There will be blood (2008).
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Spielberg renoue ici avec son amour des grands sujets historiques sur l’esclavage, qu’il avait déjà abordé dans Amistad et La couleur pourpre. Loin de la biographie fleuve retraçant toute l'œuvre du 16e président des Etats-Unis, Lincoln reste une fresque intimiste, où l'on découvre derrière Lincoln, l'homme d'Etat républicain pugnace et résolument frondeur, Abraham, un père et un mari aimant et patient. On doit cette proximité aux prises de vue essentiellement filmées en intérieur, de bureaux en alcôves, de la salle du Congrès au salon présidentiel... Seules les rares scènes de bataille (en ouverture, par exemple) nous font humer l'air extérieur, vicié par l'odeur de la poudre et des cadavres. On est littéralement plongés au cœur de cette époque trouble.
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La reconstitution et l’atmosphère du film sont bluffantes de réalisme. Merci aux images sublimes Janusz Kaminsky (fidèle chef op' de Spielberg depuis La liste de Schindler) qui offrent des tableaux presque photographiques (Abraham Lincoln s'appuyant derrière une fenêtre à l'annonce de l'adoption de la loi... une image en contre-jour désaturée baignée dans une lumière diffuse...). Des images symboliques qui résonnent deux fois plus fort en cette année de réélection du premier président noir américain...
Une œuvre américano-américaine
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Le drame se joue avant tout dans les dialogues (parfois un peu bavards) et l'interprétation d'une distribution 4 étoiles, dans laquelle on trouve notamment des seconds rôles épatants (Tommy Lee Jones, Sally Field et Joseph Gordon-Levitt). On regrettera tout de même la forme un peu trop scolaire de l'œuvre parfois trop académique, voire ennuyeux dans la première heure. A force de détails, Lincoln tombe dans un style ampoulé, voire abscons. Spielberg perd les spectateurs dans les méandres des tractations plus ou moins légales, et leur jargon politique américain souvent peu connu du grand public international. Voilà qui est fâcheux ! Aurait-il fait Lincoln uniquement pour son public américain ?
En résumé : Le pari est plus que réussi. Et les 12 nominations aux prochains Oscars ne sont pas volées ! Reste que, malgré sa beauté, Lincoln donne une impression d'immobilité. Superbement joué et intéressant mais pas assez clair. Le film plaira à coups sûr les arrières petits-fils de l'Oncle Sam sur fond d'uniformes bleus et de bannière étoilée, mais laissera peut-être le reste du monde un peu plus perplexe.
(un conseil : les non-anglicistes, n'allez surtout pas le voir en VO, même si la prestation de Daniel Day-Lewis supportera sûrement mal le doublage).