dimanche 29 janvier 2012

Critique : Chronicle : Des super héros pas comme les autres (22/02/12)

Chronicle... À première vue, un titre "générationnel" pour un film qui s'annonçait comme le témoignage d'une banale tranche de vie d'adolescents caricaturaux (les populaires et le looser), mus par leurs hormones, vivotant entre beuveries et recherche de dépucelage, et sur qui des pouvoirs tombent mystérieusement. Que nenni ! Chronicle est bien plus que cela ! Le premier long-métrage de Josh Trank (avec Max Landis à l'écriture) est une réelle bonne surprise. Un "documenteur" en caméra subjective, qui s'inspire du succès de REC et de Cloverfield, mais qui se défend d'être un found footage conventionnel. Malgré de multiples références, il est en perpétuel évolution. Il réussit à créer sa propre identité grâce à une technique rigoureuse au service d'idées originales et ingénieuses. Inclassable, Chronicle est un bel essai transformé, qui pourrait bien s'imposer au-delà du monde des geeks et des fans de super pouvoirs.

De quoi ça parle ?

© Fox
Andrew (Dane DeHaan) est un lycéen timide, solitaire, souffre-douleur au bahut et à la maison. Battu par son père alcoolique et quasi orphelin de mère (très malade), il se protège du monde extérieur en se "cachant" derrière sa caméra, en toute circonstance. Il filme tout, tout le temps. Malgré tout, il se rapproche de son cousin Matt (Alex Russell) et de Steve (Michael B. Jordan), un élève populaire du lycée. Lors d'une virée, ils s'aventurent dans un trou où une mystérieuse substance leur donne des pouvoirs. Affublés de ces nouvelles capacités, ils vont d'abord les utiliser comme de nouveaux jouets, faisant de mauvaises blagues. Mais rapidement, ils vont s'apercevoir qu'entre les mains de personnes émotionnellement instables, ces pouvoirs peuvent devenir dangereux...

"Dis-toi que tu es plus fort que tout cela"

© Fox
Encore une histoire de pouvoirs tombés sur le coin du nez des personnages sans qu'ils l'aient demandé ? Chronicle ne se veut pas la version ciné des séries Heroes ou Misfits. Ce n'est pas un film de super héros en costume ridicule... Il a des atouts bien plus convaincants qui s'amusent des codes des films dont il s'inspire. Un teen movie ? Ancré dans une réalité esthétisée, il retrace la vie ordinaire d'ados à la vie loin d'être parfaite. On retrouve évidemment les figures de lycéens habituels, du laisser-pour-compte au mec ultra-cool. Malgré des personnalités opposés, tous recherchent un semblant de reconnaissance (Qui n'a pas traversé une adolescence perturbée en quête de sa véritable identité ?). Steve souhaite être élu président des élèves de dernière année, Matt se définit par des lectures philosophiques et y fait références en donnant des citations, tandis qu'Andrew, le plus torturé des trois, veut tout simplement trouver le moyen d'exister pour lui-même. Et pourtant, Josh Trank se permet de détourner les codes habituels.

© Fox
Possédant désormais des pouvoirs de télékinésie, les trois amis n'ont de cesse de vouloir s'améliorer grâce à des entraînements plutôt fun (qui donnent lieu à des scènes amusantes et légères, comme un entraînement de football dans les airs ou effrayer une petite fille avec une peluche qui vole). Seul Andrew y voit un moyen de prouver qu'il peut être quelqu'un. Quelqu'un de fort, d'intouchable, d'inflexible et de déterminé, quitte à se penser comme supérieur aux autres jusqu'au narcissisme absolu. Et pourtant, comme ses deux acolytes, il n'a pas l'envie d'utiliser ses capacités pour faire le Bien, ni pour aider les autres. Une réflexion vient alors : quelle portée et quelles limites donner à l'utilisation de telles aptitudes ? Comment ne pas tomber dans "le côté obscur de la Force" ? Car celle-ci n'a pas les mêmes aboutissants entre les mains d'un ado complexé et revanchard, que celles de gamins qui connaissent leurs limites et les conséquences de leurs actes.

© Fox
Le rythme du film est en constante progression, et s'accélère à mesure que se bousculent les émotions des personnages et s'obscurcissent les idées d'Andrew, jusqu'à la noirceur et l'apocalypse. Une réflexion bien menée passant par un résultat esthétique et graphique qui a plutôt de la gueule. Chronicle évoque l'obsession actuelle qui est de se filmer et de filmer tout ce qui se passe autour de nous. Et les jeunes sont les premières "victimes" de cette auto-documentation. Il n'y a qu'à voir lors d'un concert la forêt de téléphones portables ou d'appareils photo levés à bout de bras pour immortaliser le moment (quitte à ne plus rien écouter du tout !). Et une nouvelle esthétique est en train de naître de cette génération.

© Fox
En ne filmant qu'à travers la caméra subjective d'Andrew, Josh Trank prend le parti d'avoir des plans saccadés au départ car filmés avec une vieille caméra au poing. La façon dont Andrew filme nous en apprend davantage sur lui. Puis tout à coup, il glisse vers une image haute déf' plus fluide tournée avec une caméra contrôlée par la télékinésie, donnant des angles et des plans de ciné plus subtils. Malin ! Le film va même jusqu'au bout de son concept puisqu'il ajoute des images tournées par des caméras de surveillance lorsqu'Andrew ne porte pas ou ne dirige pas sa caméra lors de scènes majeures. Certains y verront peut-être la limite du concept. Et d'autres une grande maîtrise du réalisateur. On pardonnera alors les quelques ratés d'incrustations sur fond vert et des effets numériques plutôt visibles, pour ne garder en mémoire qu'un final explosif et sans retenue.

© Fox
Au-delà des effets visuels, les jeunes acteurs, plus ou moins débutants (à leur actif, des rôles réguliers dans des séries comme En Analyse, Sur Écoute et Friday Night Lights, tout te même), forment un trio exaltant et crédible. Une mention spéciale à Dane DeHaen, plutôt flippant voire inquiétant, à la manière d'Ezra Miller dans We need to talk about Kevin.

En résumé : Un trip adolescent qui ne révolutionne pas le genre mais qui est une véritable réussite, mettant au rencart l'idée des grands studios qui préfèrent dépenser des centaines de millions de dollars pour faire un film de super héros, parfois raté (on ne citera pas les Green Lantern ou autre Immortels), plutôt que de se concentrer sur l'essentiel : le talent des idées simples et efficaces. Pourvu que la 20th Century Fox ne parasite pas ce fournisseur d'idées (à confirmer) car le studio a demandé à Josh Trank de réaliser le reboot des Quatre Fantastiques.

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