De Jerome Salle
Avec Forest Whitaker, Orlando Bloom, Conrad Kemp...
Dans une Afrique du Sud encore hantée par l'apartheid, deux policiers -- Ali le Noir traumatisé, et Brian l'afrikaner poursuivi par ses démons -- pourchassent le meurtrier d'une jeune adolescente, sauvagement assassinée dans un parc. Leur enquête va les emmener à la fois dans les Townships de Capetown et dans les luxueuses villas du bord de mer. Cette enquête va bouleverser la vie des deux hommes et les contraindre à affronter leurs démons intérieurs.
Adaptation du roman éponyme du Français Caryl Ferey, Zulu offre une vision glaçante, sombre et pessimiste de l'Afrique du sud. Si le roman ne fait aucune concession, le film n'en fait pas moins. Pauvreté, quartiers gangrénés par la drogue, la violence et la prostitution, le tout sur fond d'inégalités raciales... Tout est là pour peser une atmosphère lourde, quasi irrespirable et anxiogène. Le réalisateur Jérome Salle, connu pour ses grosses productions américaines sans vague Largo Winch 1 et 2, et Anthony Zimmer, s'exécute avec talent et en immersion totale. Son film oscille entre le polar, le film noir, le manifeste politique, tout en laissant la place à l'Histoire et à ses réflexions personnelles et philosophiques. Un gros morceau donc ! Tellement gros, qu'à vouloir parler de tout, le cinéaste (et son acolyte Julien Rappeneau à l'écriture) effleure l'essentiel et n'exploite jamais toutes les pistes, là où Ferey avaient 460 pages pour les délayer. Ainsi le manque de temps ne permet pas de développer les personnages et leur caractère, ni de se faire tout petit pour explorer les environs (malgré une course poursuite dans un township qui en rappellera d'autres), ou encore d'approfondir les enjeux d'un pays qui n'a pas réglé ses comptes avec son Histoire La frustration entre l'écrit et l'écran est souvent présente...
Jérome Salle a tout de même du talent et l'envie de bien faire (peut être un peu trop diront certains, car la forme prend le pas sur le fond, qui manque d'un discours percutant ou d'une vision inédite). On plonge dans un thriller conventionnel façon années 1970, sous forme d'un jeu de piste macabre, qui va réveiller chez les deux policiers de vieilles blessures.
La réalisation est sèche, nerveuse, ultra réaliste. Très efficace, d'une noirceur et d'une violence absolues (certaines scènes très fortes feront sans doute fermer les yeux aux plus sensibles), Zulu soulève aussi les contradictions d'un pays coincé entre la volonté de pardonner et de se réconcilier, et celle de se venger des horreurs passées. Comme ses personnages principaux, tous deux plus ou moins engagés sur le chemin du pardon, jusqu'à ce qu'ils prennent des chemins opposés... On n'en dira pas plus.
On peut regretter des personnages un peu archétypaux mais des acteurs authentiques. Mais Forest Whitaker reste toujours aussi solide et magistral dans ses interprétation (Oscarisé en 2007 pour Le Dernier roi d'Ecosse, et époustouflant dans Le Majordome). La vraie révélation est plutôt apportée par Orlando Bloom. Ici, point d'ados sculptés, de chemise saillante, de joues rasées de près ou de cheveux blondis coiffés en demi-queue de cheval... L'elfe et le pirate sont bien loin ! Grossi, cradingue en mode fêtard depuis 15 jours non-stop, il impose une présence quasi charnelle avec un personnage bourru et sans filtre, qui lui donne une animalité qu'on ne lui connaissait pas.
En résumé : un bon polar qui embarque, et dont la violence finalement sert le propos, et sa fin. Vaut d'être vu pour la performance de ses acteurs.