dimanche 19 février 2012

Critique : La Dame de fer : Dans l'intimité d'une grande dame (15/02/12)


LA DAME DE FER


De Phyllida Lloyd
Avec Meryl Streep, Jim Broadbent, Susan Brown, Alice Da Cunha...

Ne vous fiez pas au titre. La Dame de Fer ne fera pas le bilan des onze années passées au pouvoir de l'illustre baronne Margaret Tatcher (entre 1979 et 1990). Le film de Phyllida Lloyd (dont c'est le second long-métrage après Mamma Mia !) s'intéresse au parcours de celle qui fut l'une des figures les plus influentes de la fin du XXe siècle et dont l'oeuvre marque encore les esprits et le quotidien des Britanniques et de nombreux citoyens de ce monde. Si elle fut premier ministre, elle n'en restait pas moins femme. Et c'est de son point de vue qu'est raconté le film, donnant une certaine distance vis-à-vis de la chronologie des événements. Entre poigne et fragilité, la Dame de fer n'a rien d'un colosse avec l'interprétation intime et toute en finesse de Meryl Streep.
Un point de départ... romanesque
Margaret (incarnée par Alexandra Raoch au début) est une jeune fille ambitieuse, loin de se laisser enfermer dans le rôle que voudrait lui imposer sa position sociale et la société dans laquelle elle vit. Diplômée en chimie, elle délaisse le choix d'une entreprise industrielle pour entrer en politique, dans le parti conservateur. Perdue au milieu d'un monde sexiste et patriarcal, elle ne se démonte pas et brave avec détermination les préjugés jusqu'à la plus haute marche du pouvoir. À mesure que la couleur de ses tailleurs fonce, son opiniâtreté ne fera que l'amener vers la consécration.
Le scénario d'Abi Morgan se focalise sur une Margaret Thatcher (Meryl Streep) plus âgée, une quinzaine d'années après qu'elle a été chassée du pouvoir en 1990. À la limite de la sénilité, la vieille femme discute avec le fantôme de son mari, Dennis (Jim Broadbent), mort en 2003. Ces dialogues sont l'occasion de flashbacks qui montrent la résolution de l'épouse à réussir et les encouragements de son mari, que l'on découvre fantasque et rieur. Dans ce rôle, Jim Broadbent est tout simplement irrésistible et touchant. Il déploie des trésors de bonhomie, sans doute destinés à prouver que la femme d'un homme aussi gentil pouvait être aimable. On suppose alors que le véritable Mr Thatcher devait jouer le rôle de soupape de secours lorsque son premier ministre de femme montrait les dents à la maison.
"Pearls are absolutely not negociable. That's the term that we want to strike"
Une chose est sûre : on est loin des films politiques tels que The Queen de Stephen Frears ou de la série comique et satirique The Thick of It d'Armando Ianucci. Dans La Dame de fer, la politique et la mécanique du pouvoir ne sont traitées qu'en toile de fond. Les manœuvres qu'elle opère pour prendre le pouvoir du parti conservateur sont résumées par des leçons de dictions, de mode et de comportement. La coiffure, les perles, l'accent, le tempérament et le registre identifiable entre mille sont là : Meryl Streep EST Margaret Thatcher !


Évidemment, certains crieront au scandale lorsqu'ils verront que la guerre des Malouines, le démantèlement du pouvoir syndical ou les mesures d'austérité ayant mené à la grèves des mineurs -- grands conflits parmi d'autres -- sont ainsi expédiés en quelques images d'archives et de simples répliques. Ses actions n'était pas le propos voulu par la réalisatrice, qui assume totalement son approche romanesque (et parfois fictive lorsqu'il s'agit de Margaret Thatcher âgée). Reste une fois encore la femme derrière les décisions. Sa férocité dans ses exigences, voire son obstination démesurée, appuyée par une voix forte et des mots choisis font d'elle un personnage qui attire les foudres et craint aussi. Jusque dans ses rangs. La scène où Margaret Thatcher dépasse les bornes face à son conseiller le plus proche (joué par Anthony Head, alias Giles dans Buffy contre les vampires, pour les trentenaires) est tout à fait fascinante. Le savon qu'elle lui passe le poussant à la démission fait apparaître une Meryl Streep habitée par son personnage à tel point que, de l'aveu des comédiens, elle était réellement terrifiante et la tension était palpable sur le plateau. 
Et si les épisodes postérieurs à l'éviction de Margaret Thatcher, comme l'accueil chaleureux qu'elle fit à Augusto Pinochet, poursuivi par le juge Garzon, ou sa collaboration rétribuée avec l'industrie du tabac sont, eux, totalement passés sous silence, ça n'est que pour renforcer l'universalité de l'histoire. À savoir, comment gérer la perte de l'être aimé ? Que se passe-t-il lorsqu'une vie trépidante entièrement consacrée au travail arrive à son terme ? Comment affronter l'âge et le handicap ? Aucun d'entre nous n'a eu la vie publique ni le statut de Margaret Thatcher, mais nous sommes tous capables de comprendre ce que peuvent représenter les relations de travail, de famille, de même que les notions de renoncement, d'acceptation et de résignation.
En résumé : De l'humain, rien que de l'humain. Et une grande performance ! Meryl Streep tient ici l'un des plus beaux rôles de sa vie. Son énergie passe dans l'empathie et l'humanité qu'elle donne à son personnage vieillissant. L'actrice, jeune sexagénaire, devient ainsi une femme voûtée, instable, perdue dans les photos de famille et dont les souvenirs la submergent sans possibilité de retour. Impressionnante de réalisme et subjuguante de justesse. Elle n'a pas volé sa nomination aux Oscars !

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