MICROBE ET GASOIL
De Michel Gondry
Avec Ange Dargent, Théophile Bacquet, Audrey Tautou...
Vu sur Canal+
Entre une mère dépressive angoissée et un grand frère punk et rebelle, Daniel (Ange Dargent), a du mal à exister. À l'école, ça n'est pas mieux. Ses professeurs le prennent pour une fille, sans doute à cause de ses cheveux longs et de sa voix fluette. Et les autres gamins Microbe à cause de sa petite taille. Quand Théo (Théophile Baquet), surnommé Gasoil car bricoleur de voiture, débarque dans sa classe, c’est le coup de foudre amical. Microbe voit en lui plus qu'un petit malin à la langue bien pendue et à l’assurance bien trempée. Bien décidés à passer l’été ensemble, les deux garçons bricolent une maison roulante équipée d’un moteur de tondeuse à gazon.
Michel Gondry est un grand enfant, un Peter Pan du cinéma, jouant souvent de son imagination débordante pour créer des univers bien à lui (Eternal Sunshine of the Spotless Mind, La Science des rêves) souvent remplis de bricolages en tout genre (L'Ecume des jours). On ne sait jamais à quoi s'attendre.
Ange Dargent et Théophile Bacquet |
Avec Microbe et Gasoil, Gondry revient sur les traces de l'adolescence, qu'il avait déjà esquissées dans The We and the I (voir l'interview) en distillant des vérités vraisemblablement personnelles et autobiographiques touchantes. Pas de surenchères plastiques et d'objets incongrus, le réalisateur a préféré la douce innocence de deux ados en quête d'identité, tout en gardant un côté loufoque.
Économe sur la forme et intimiste sur le fond, Gondry montre à quel point une amitié peut forger des caractères et révéler l'identité des êtres. À travers un voyage initiatique à hauteur d'adolescents, le film évoque les nombreuses interrogations de gamins de 15 ans, sans pour autant tomber dans les travers de tous les teen movies/series versant dans les blagues graveleuses ou encore dans la confrontation avec les parents.
Un film personnel, drôle et touchant
Également scénariste, Michel Gondry a gardé l'humour décalé dans des souvenirs d'enfance transposé dans un présent contemporain, avec une rhétorique désuète de par le langage et la perception de la vie des deux ados. Si les dialogues ont ce charme d'un autre temps, et si la diction et la syntaxe des jeunes acteurs jurent avec leur âge, leur jeu est convaincant.
Maison/voiture construite par Daniel et Théo |
Microbe et Gasoil est bien plus intellectuel et moins léger qu’on ne pourrait le penser, une fois les étiquettes « conscience du temps qui passe » et « passage à l’age adulte » décollées. Au-delà de ses excentricités visuelles, le réalisateur construit chaque film comme une porte vers une obsession précise, une interrogation sur le sens de telle ou telle chose, un terrain psychologique encore inexploré. Il s’interroge ici sur le sens d’une passion plutôt que de simplement montrer le résultat d’une expérimentation.
Le film pioche ci et là dans la personnalité et les obsessions de Gondry sur les femmes, la marginalité, le souvenir… sans jamais verser dans un discours psychologisant sur l’adolescence ou pire poser un regard mélancolique (celui du réalisateur) sur un âge d’or révolu.
En résumé
Tendre et bienveillant vis-à-vis de ses héros, Gondry s’offre une parenthèse enchantée et prouve qu’aimer raconter des histoires candides ne nécessite pas de grands effets ou de gros budgets. Microbe et Gasoil est une mini-odyssée ludique et loufoque à la candeur charmante.