De Stephen Daldry
Avec Rickson Tevez, Eduardo Luis, Gabriel Weinstein, Wagner Moura, Selton Mello, Rooney Mara, Martin Sheen…
Sortie 12 novembre 2014
Rafael et Gardo sont des gamins de 14 ans, malins et débrouillards, d'un bidonville de Rio de Janeiro. Ils gagnent quelques pièces de monnaie en triant les déchets dans une décharge à ciel ouvert. Pas toujours de quoi s'acheter à manger… Mais lorsqu'un jour, Rafael tombe sur un portefeuille, le duo ne réalisent pas qu'ils détiennent bien plus qu'un morceau de cuir. Son contenu le rend mystérieux : une photo, une bout de papier gribouillés de chiffres et un carton de loto animalier… Quand la police locale débarque, ils n'ont plus de doute : leur vie va changer à jamais. Avec leur ami Rato, le trio décide de cacher ce bien précieux et de recomposer la vie de son propriétaire.
Stephen Daldry n'est pas un boulimique en matière de création cinématographique. 5 films en 14 ans, on ne peut pas dire que le Monsieur soit productif. Mais quand il s'y met, ce sont les émotions qui se mettent en ébullition. Que ce soit celles d'un gamin passionné par la danse contre la volonté paternelle dans le sublime Billy Elliot (1999); celles de trois femmes vues à différentes périodes temporelles mais toutes reliées par le roman Virginia Woolf dans le très beau The Hours (1991); celles ressenties par un adolescent sous le charme d'une trentenaire sur fond de littérature dans The Reader (2008); ou encore celles bouleversantes d'un enfant en quête de réponses après la perte de son père dans Extrêmement Fort et Incroyablement près (2011). En tout, 19 nominations aux Oscars et 2 victoires.
Avec Favelas, il renoue dans l'art difficile de la direction d'enfants (et grand bien lui fasse), car cette adaptation du roman d'Andy Mulligan est une petite pépite émotionnelle. Non pas en donnant dans le mielleux ou le romantique, qu'on aurait pu imaginer avec l'implication de Richard Curtis au scénario (Quatre mariages et un enterrement, Coup de foudre à Notting Hill, Love actually, Il était temps…). Mais en réalisant un film rempli de danger, de suspense et de rebondissements, un puzzle dont les pièces éparpillées au départ se mettent petit à petit en place avec créativité et brio.
Avec les bidonvilles de Rio pour cadre, on ne peut s'empêcher à La Cité de Dieu. Daldry a su recréer l'authenticité que requiert ce genre de film avec un tel sujet. Il évite les clichés touristiques et culturels et les images d'Epinal de l'ancienne capitale brésilienne. Grâce à un travail de fourmi, il nous plonge dans cet univers où le langage, le contexte social ou politique sont complètement brésiliens et totalement immersifs. Il montre des quartiers et des communautés qui n'avaient jamais été filmées au cinéma. Le raffinement de la composition de ses cadres révèlent une effervescence permanente de sa créativité. Les courses-poursuites dans les dédales de la favela sont haletantes, littéralement à couper le souffle. Et jamais on ne sent la lourdeur intolérable de la pauvreté extrême qui ne l'est pas moins. Si les quartiers sont sales, poisseux et sûrement nauséabonds pour nos narines d'Européens aisés, jamais ils ne rebutent. Ses habitants ont un enthousiasme à toute épreuve.
Si l'histoire est redoutablement bien construite, sont contexte n'est finalement que trop banale dans ces milieux pauvres du Brésil : corruption, violence policière, missionnaires de bonne volonté mais démunis, population sans ressource mais finalement heureuse… Et pourtant, il y a un vrai vent de fraîcheur dans ce film. Il flotte un parfum doux amer, mélangeant la vie cabossée de gamins et une aventure plutôt exaltante. On oscille entre cruauté et moments d'enfantillages bon enfant, sans jamais tomber dans les extrêmes tragiques. Bien au contraire ! Daldry en fait une ode à l'espoir et à l'envie de s'en sortir. Certains crieront aux bons sentiments sur la fin… et bien qu'ils râlent ! Ce film fait du bien…
Tout le charme et l'intérêt réside dans ces jeunes personnages principaux. Après avoir été castés, les enfants (non-professionnels) se sont entraînés pendant des mois, au jeu face caméra, et à toutes formes d'escalade possibles et imaginables. Le résultat est bluffant : les enfants sont d'un naturel épatant, et leur spontanéité intacte. Venant eux-mêmes de milieux extrêmement défavorisés, ils se sont appropriés l'histoire et en ont fait leur jusqu'au bout de leurs bouclettes. Charismatiques, effrontés (juste ce qu'il faut), obstinés…
S'ils sont considérés comme des déchets de la société, ce n'est pour autant qu'ils n'ont pas de rêves, d'espoirs. Bien sûr, ils rêvent d'avoir assez d'argent pour se payer de quoi se nourrir, avoir des jeux vidéos, et autre objets de notre société de consommation. Mais finalement, ils changent notre perception des choses. En un sens, ils nous montrent qu'il est possible de trouver un certain bonheur en regardant la vie autrement.
L'opiniâtreté de Rafael frôle l'obstination d'un sale gamin qui n'en fait toujours qu'à sa tête, histoire de ne pas faire ce qu'on lui dit. Et pourtant, il n'a rien d'un "sale gosse". C'est un dur à cuire qui se bat pour sa vie et contre un système qui le dépasse complètement, car il est trop jeune pour le comprendre. Gardo, son attitude face à la vie mélange la dureté physique à une raideur morale implaccable. Quant à Rato, ce petit bout malingre, aux yeux innocents… on lui donnerait le bon dieu sans confession… et nos bras pour le protéger et le réconforter !
L'opiniâtreté de Rafael frôle l'obstination d'un sale gamin qui n'en fait toujours qu'à sa tête, histoire de ne pas faire ce qu'on lui dit. Et pourtant, il n'a rien d'un "sale gosse". C'est un dur à cuire qui se bat pour sa vie et contre un système qui le dépasse complètement, car il est trop jeune pour le comprendre. Gardo, son attitude face à la vie mélange la dureté physique à une raideur morale implaccable. Quant à Rato, ce petit bout malingre, aux yeux innocents… on lui donnerait le bon dieu sans confession… et nos bras pour le protéger et le réconforter !
En face d'eux, les seconds rôles (Martin Sheen et Rooney Mara) font parfois un peu pâles figures, sans réelles implications émotionnelles, malgré leur renommée. Doit-on voir là un problème d'écriture ou une volonté de renforcer la valeur de l'innocence de l'enfance ?
En résumé : une aventure palpitante et réjouissante malgré un contexte social peu avenant, avec des personnages principaux très attachants, et réellement brillants pour leur jeune âge et leur inexpérience. Un vrai régal !